A première vue, le fichier numérique semble illisible, sinon codé. Lorsqu’on clique pour l’ouvrir, seule s’affiche une série de chiffres suivis de points d’interrogation. Il fallait la patience d’un geek pour libérer les secrets du calendrier qui recense des milliers de rendez-vous... Il s’agit de l’agenda personnel, entre 2012 et 2021, d’Evgueni Prigojine, le créateur de la société de mercenaires Wagner. Ce dossier, document parmi des milliers d’autres, nous a été transmis par un groupe qui se présente comme des opposants à Poutine, les Bogatyri (« les preux chevaliers », en russe). Ils sont parvenus à pirater les serveurs informatiques du « cuisinier de Poutine », le surnom que lui vaut son ancien métier de restaurateur. Ils en ont extrait d’innombrables tableaux Excel, d’interminables listes d’« employés » – vivants, morts ou blessés –, des relevés comptables, des rapports d’enquêtes internes, des factures d’achats de matériel, des inventaires d’armements pour des missions de combat, comme des plans de communication destinés à couvrir les bavures criminelles d’une horde de mercenaires baptisée Wagner. Les mécanismes d’une nébuleuse. Et de quoi prouver de manière irréfutable ce que Vladimir Poutine et les membres de son administration ont toujours nié avec vigueur : leurs liens avec Wagner sont non seulement réels mais anciens.
Ces relations avec le Kremlin, que révèle l’agenda d’Evgueni Prigojine, nous les avons récupérées. Ainsi, le 23 mai 2018 est noté un rendez-vous avec « Touadéra, VVP ». Trois initiales, comme Vladimir Vladimirovitch Poutine ? Une photo diffusée par l’agence de presse Ria Novosti atteste que, ce jour-là, Faustin-Archange Touadéra, président de la République centrafricaine, a