Aldo gravit les quelques marches en béton lépreux au milieu de la ruelle obscure où il m’avait donné rendez-vous. Je le suivis. Après la porte en fer, un sas, puis une autre porte, en bois celle-là. Quand elle s’ouvrit, je compris d’où il tenait ses chaussures en croco et la bagnole rutilante garée en bas : devant moi brillait de tous ses feux et en toute illégalité le royaume du jeu et de l’alcool, réjouissances ô combien lucratives, surtout quand elles sont clandestines… « Tu vois un peu l’idée ? » se rengorgeat-il, sensible à ma mine ravie. Oh oui, je voyais. Être associé à cette affaire ne pouvait que me botter, il le savait. Il poursuivit sans me quitter des yeux : « T’as intérêt à assurer. On t’appelle “le Cerveau“, j’espère que c’est pas pour des prunes. Voilà : j’ai un problème avec ma roulette. Au début, quand j’ai ouvert, tout allait d’enfer. Les gens jouaient, je m’en mettais plein les poches. Et puis, vlan, le vent a tourné, la Madone m’a abandonné. Cette roulette infernale m’a fait perdre 10 000 dollars en deux jours ! Un coup des Castelli ? Un signe du destin pour que je ferme ce tripot ? — Surtout pas ! T’inquiète, le Cerveau va regarder ça de plus près… Devant la moue dubitative d’Aldo, je résolus de vite lui montrer mes compétences. Quitte à le bousculer.
— Premier truc à bien te rentrer dans le ciboulot, Aldo : le hasard, ça n’est pas de la magie, ça n’est pas une religion. Ça se dompte, il suffit de savoir s’y prendre. Avec ta roulette, tu es sûr de gagner. Pour comprendre, oublie d’abord la case zéro, il y a alors 36 numéros sur lesquels les parieurs peuvent miser. On fait tourner, on lance la bille dans l’autre sens… personne ne saurait dire où elle va atterrir ! À moins que tu ne fausses ta roulette, elle a exactement autant de chances d’arriver dans