JOHANNES KROMAYER, GEORG VEITH
« Atlas des batailles de l’histoire militaire ancienne », H. Wagner und E. Debes, Leipzig, 1922-1929
Voici un ouvrage aujourd’hui largement oublié, mais qui est le résultat de deux vies presque entièrement consacrées à la reconstitution méticuleuse des opérations militaires antiques, grecques et romaines; un atlas historique unanimement salué par la critique universitaire lors de Vienne, surnommé (« Veith-les-serpents ») par ses supérieurs en raison de sa passion insolite pour l’herpétologie. L’universitaire et l’officier partagent un engouement pour la reconstitution des batailles anciennes. Ils se lancent dans un premier périple scientifique financé par l’académie de Vienne en 1906-1907. C’est le début d’une aventure qui conduira à la publication des (« Champs de bataille antiques »), matière première dans laquelle puisera cet . Durant leurs voyages, en Grèce, en Italie, en Afrique du Nord, en Asie Mineure, les deux savants arpentent les théâtres d’opérations évoqués dans les textes anciens, ceux de Thucydide, de Polybe, de César. Ils discutent de la localisation des champs de bataille, passent les récits des combats au crible de la (la « critique factuelle »), en s’efforçant de reconstituer les manoeuvres tactiques les plus subtiles. Le est le résultat condensé de toutes ces observations. Il se compose de six fascicules , deux pour le monde grec, quatre pour Rome. La période étudiée va des guerres médiques à la bataille d’Actium (31 av. J.-C.). La substantifique moelle de l’ouvrage réside dans les 120 cartes consacrées aux principales batailles et opérations militaires de cet arc chronologique. Les auteurs y proposent leurs hypothèses de restitution en tenant compte de la géographie physique qu’ils ont pu observer lors de leurs déplacements. Se superposent ainsi à des cartes topographiques d’une grande précision (généralement au 1/50 000) des figurés géométriques correspondant aux troupes évoquées dans les sources. L’ensemble est d’une clarté d’autant plus admirable que les planches sont accompagnées d’une centaine de pages de commentaires présentant les sources anciennes, les études modernes, un résumé des événements militaires évoqués dans chaque carte, ainsi que les différentes opinions qui ont été exprimées à leur propos. Encore aujourd’hui, la plupart des schémas de batailles antiques exposés dans les ouvrages universitaires, dans les oeuvres de vulgarisation scientifique, ou sur des encyclopédies en ligne telles que Wikipédia, reprennent en partie ou en totalité (souvent sans que cela ne soit explicité!) les plans élaborés par les deux savants germanophones. Le seul défaut de cette oeuvre monumentale est… de ne pas avoir été traduite et diffusée dans une langue plus accessible. Les sacrifices consentis par Georg Veith au nom de la science le justifiaient pourtant amplement. Qu’on en juge: en plus d’avoir risqué sa vie à Utique pour protéger son compagnon d’une meute de chiens-loups, il fut assassiné le 3 septembre 1925 par deux bergers turcs alors qu’il cherchait à se rendre sur le champ de bataille de Zéla, où César prononça deux mille ans plus tôt son fameux « »!
