Guerres & Histoires

QUE FAIRE DE SON ENNEMI?

a guerre de Sécession reste la plus meurtrière jamais livrée par les États-Unis: 620 000 tués, lorsque la Seconde Guerre mondiale leur en a coûté un peu plus de 400 000. Son impact a été modéré sur l’outil militaire lui-même. Renvoyée aux guerres indiennes en 1865, l’US Army n’en a gardé qu’une mémoire institutionnelle ténue. En revanche, sur le plan politique c’est bien dans l’affrontement entre État fédéral et États confédérés que se noue la. Ce double principe, consistant à voir dans l’adversaire un « mal » à guérir, et à considérer que ce but ne peut être atteint que par l’élimination pure et simple de celui-ci comme entité politique – par reddition inconditionnelle, suivie d’un changement de régime et d’une transformation de la société de l’adversaire –, est présent dans toutes les guerres américaines ultérieures: chez Wilson, en 1917, seulement limité par le rôle secondaire des Américains dans la conduite de la guerre par l’Entente; chez Roosevelt, surtout, qui déclare explicitement en 1943 lors de la conférence de Casablanca rechercher la reddition sans conditions des puissances de l’Axe – ce qui surprend Churchill. La guerre froide s’inscrit dans le même schéma: le communisme, comme le fascisme avant lui, est un mal à expurger. Il faudra l’arme nucléaire soviétique et les déconvenues militaires de la guerre de Corée (1950-1953) puis du Viêtnam (1964-1973) pour que Washington se convertisse à l’idée de composer avec un adversaire, de combattre sans forcément détruire ou convertir. La disparition de l’URSS et le « moment unipolaire » américain auront raison de cette conception plus modérée de la guerre: en Afghanistan, en Irak, c’est à nouveau le changement de régime et la transformation sociale des pays conquis que chercheront les États-Unis, pour un résultat oscillant entre le médiocre (l’Irak) et le calamiteux (l’Afghanistan). La nouveauté de l’après-guerre froide est que cette fois Washington ne sera plus seule à raisonner ainsi: les États européens, pourtant issus d’une autre tradition politique – la guerre à buts limités et le système westphalien, ne cherchant pas à altérer la situation intérieure des États même adverses –, auront entre-temps basculé dans le même maximalisme des buts justifié par la morale, et non par la politique. Or, aujourd’hui, face à la Russie ou la Chine, alors que les États-Unis malgré des excès verbaux s’inscrivent à nouveau – arme nucléaire oblige – dans une logique de buts limités, le maximalisme vient surtout d’Europe – France exclue, là encore sous l’influence bienvenue de la dissuasion. Il n’y a pas lieu d’être rassuré par ce développement, d’autant que cette posture ne s’accompagne, en fait de stratégie, d’aucune vision claire. La morale n’est jamais une bonne politique, particulièrement en temps de guerre.

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