LES FINS D’ANNEE nourrissent la nostalgie, les moments où, sous prétexte d’accueillir celle qui s’annonce, brumeuse, incertaine, on regarde dans le rétroviseur pour magnifier les images qui s’y réfléchissent. Les éditeurs de vinyles l’ont bien compris, qui proposent des ressorties toujours plus onéreuses pour nous donner l’illusion de pouvoir racheter notre passé et revivre l’enchantement de découvrir ce que nous connaissons déjà. L’innocence, pourtant, ne se recrée jamais: une bonne moitié de ces vinyles ne sera jamais écoutée. Ils rejoignent alors les objets totems nourrissant la mémoire d’une période qui, malgré tout, s’efface.
Ainsi fûmes-nous sans doute nombreux, Et certains étaient si beaux qu’on finissait par les encadrer. Ainsi du sésame pour voir la première date française de Springsteen, le 18 avril 1981, à Saint-Ouen. Beaucoup de ceux qui y ont assisté affichent désormais dans un coin de leur bureau le rectangle de papier. KCP, le tourneur de l’époque, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. L’organisation d’Albert Koski, réputée alors pour son service d’ordre, on va dire, tonique, vend désormais des reproductions artistiques de ces billets de légende. Des reproductions plus chères que le billet original, qui, lui, était abordable, et donnait droit à deux ou trois heures de paradis sur terre: Bowie, Simon and Garfunkel, les Stones à Auteuil et, donc, Springsteen à Saint-Ouen.