LE “GUITAR HERO DES GUI TAR HEROES”. Gunslinger. Tireur d’élite. Desperado. Indomptable, irrédent, sauvage. Précision diabolique, attaque de malade, maîtrise du vibrato absolue, tonalités “subjuguantes”, suraigus d’un autre monde, fluidité invraisemblable, doigts et poignets magiques. Hendrix à part, Geoffrey Arnold Beck était le meilleur d’entre tous, parce qu’il n’était que cela. Pas chanteur – son succès pop avec “Hi-Ho Silver Lining”, en 1967, l’avait calmé à jamais – pas tellement compositeur, jamais parolier. Un styliste sans cesse renouvelé, faisant exploser le mur du son, au timbre de Les Paul puis de Stratocaster d’une pureté rare et d’une dextérité dingue, tout en force et en finesse, sans limites de genre, du rockabilly à l’électro en passant par tout ce qui se situe entre et au-delà, un pur mercenaire qui ne sera jamais resté longtemps nulle part mais aura été courtisé par tous. Il ira jusqu’à spectaculairement refuser de succéder à Mick Taylor au sein des Rolling Stones parce qu’ils l’avaient fait attendre, comme il foirera diverses opportunités avec David Bowie et Brian Wilson. Mick Jagger avait rêvé de l’avoir comme soliste pour sa carrière solo, Roger Waters le rêvait substitut de David Gilmour, le Jeff Beck Group accompagnait Donovan sur Barabajagal; il pigera plus tard pour Kate Bush, Tina Turner (le solo de “Private Dancer”), Diana Ross, ZZ Top, Buddy Guy, Stanley Clarke, Stevie Wonder, Seal, Ozzy Osbourne, Dion et les Pretenders, pour ne citer que ceux-là.
Le 15 juillet dernier, à Montreux, T-shirt blanc, gilet noir, coupe pivert le temps du menaçant “Rumble”, de Link Wray, puis de passer aux reprises de leur discutable album commun, , “Isolation” (Lennon), “Venus in Furs” (Velvet Underground), “Little Wing” (Hendrix). Depp chante, cela n’en fait pas pour autant un chanteur, mais on se réjouit de la lumière qu’il projette sur le caractériel casse-cou du manche. Au rappel, Beck offrait seul sa version iconique de “A Day in the Life” (Beatles). Rien alors ne laissait entendre chez ce flingueur de 78 ans le moindre soupçon de faiblesse, alors qu’il se retrouvait ironiquement, par Depp interposé, dans la presse people, qui ne s’était jamais intéressée à lui, ni à sa femme Sandra Cash épousée en 2005.
