Selon le mot bien connu de Bernard Shaw, « un opéra est une histoire où un baryton fait tout pour empêcher un ténor de coucher avec une soprano » – on ne saurait, au passage, en dire autant de la mezzo, dont les intentions d’un livret à l’autre paraissent bien plus versatiles. Si Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier ne dérogent pas à la règle sur les planches, ce fut plutôt, entre ces deux-là, « Love at first sight » dans la vie – en tout bien tout honneur, on le précise pour leurs épouses. Un premier Werther parisien en 2010, suivi de nombreuses productions communes dans le répertoire italien. Verdi, bien sûr, qui abonde en duels vocaux telluriques, mais aussi Puccini. Et, chez les Allemands, Wagner, qui occupe une place de plus en plus prégnante dans leurs deux carrières. Né d’un heureux hasard au beau milieu du tourbillon de la pandémie, leur premier récital commun, avec la complicité d’Antonio Pappano et de l’Orchestre de l’Accademia di Santa Cecilia, retrace quelques grandes pages de l’amitié de ces fortes personnalités, aussi affirmées dans leurs rôles que dans leurs jugements sur le monde de l’opéra aujourd’hui.
Cet album est essentiellement consacré aux grands duos verdiens, certains dans leur version originale en français, mais s’en tient au répertoire italien. N’étiez-vous pas tentés d’y inclure d’autres compositeurs, notamment germaniques?
Ludovic Tézier: L’occasion faisant le larron, il faut sans doute dévoiler quelques secrets de cuisine. Ce qui est en l’occurrence approprié, car tout commence dans celle de Jonas, chanteur estimable, assurément, mais cuistot exceptionnel et injustement méconnu.
Nous faisions à Vienne, sans public du fait du confinement.