Le Journal du dimanche

Le vrai visage de L214

epuis quelques mois, son visage souriant apparaît sur les étiquettes des barquettes de cuisses de lapin Le Gaulois, dans les rayons des supermarchés. Mais aujourd’hui, Frédéric Blot ne sourit plus. Cet éleveur est le patron d’Elvilap, qui commercialise 2,6 millions de lapins par an, 10 % de la production française. Il préside également la Fédération nationale des groupements de producteurs de lapins. Fin août ont été mises en ligne des images tournées trois mois plus tôt dans son exploitation de Domalain, en Ille-et-Vilaine. Des documents effroyables : on y voit des animaux gravement blessés aux pattes, aux oreilles, aux yeux ; des lapereaux tout juste nés, mutilés par leur mère stressée, agonisant sur le sol grillagé des cages ; d’autres qui se décomposent… Ce n’est pas la première fois que le public découvre de telles images. Dans d’autres élevages ou dans des abattoirs, les mêmes scènes insoutenables se répètent. Dans une vidéo tournée dans le Finistère, on voit des porcelets trembler au sol tandis qu’une truie gît au milieu des autres bêtes, qui commencent à la dévorer. Il est souvent impossible de regarder les vidéos jusqu’au bout…

Ce musée des horreurs des souffrances infligées aux animaux est hébergé sur le site Internet de L214, la célèbre « association de défense des animaux utilisés comme ressources alimentaires ». Ses vidéos font parfois des millions de vues sur les réseaux sociaux. Des images chocs que les grands médias s’empressent de reprendre et de diffuser. L’association a été baptisée en référence à l’article du Code rural qui, en 1976, considérait pour la première fois les animaux comme des êtres doués d’émotions : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » Directement inspirée des associations lancées dans les pays anglo-saxons, L214 revendique son radicalisme en dénonçant publiquement les entreprises ou élevages incriminés, en divulguant des identités, des adresses, des noms… Les images sont tournées en caméra cachée par des militants qui se font embaucher dans les élevages et abattoirs, ou qui s’y introduisent de nuit.

Un combat aux apparences du bien contre le mal : d’un côté ceux qui défendent les animaux torturés, maltraités et tués ; de l’autre ceux qui les font souffrir. Mais aussi qui les élèvent… et les mangent, soit près de 97 % de la population française. « La cause était juste et courageuse au départ, puis la bête a échappé à ses créateurs, estime le journaliste et écologue Frédéric Denhez, auteur de La Cause végane – Un nouvel intégrisme ? On est passé à une idéologie qui entend, comme certains évangélistes puritains, nous pousser à la rédemption pour aller vers un paradis terrestre perdu en faisant le bonheur de l’humanité. Notamment en décrétant qu’il est interdit de tuer pour manger. »

Tout commence en 1993 pour ceux qu’Étienne Gangneron, vice-président de la FNSEA et Cette année-là, Brigitte Gothière et son compagnon, Sébastien Arsac, étudiants âgés de 20 ans, décident d’arrêter de manger de la viande. Avant d’en finir avec le poisson, les œufs, le lait et tout produit d’origine animale, y compris le cuir et la laine. En Haute-Loire, les grands-parents de Sébastien sont pourtant éleveurs et bouchers. Après leurs études, devenus enseignants, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac montent en 2003 le collectif Stop gavage, contre le foie gras. Cinq ans plus tard, ils fondent L214 avec une poignée de copains. Très vite, leurs vidéos assoient leur notoriété. Ils montrent le broyage des poussins mâles lors de la production de foie gras, l’élevage en cage des poules pondeuses ou des scènes d’horreur dans des élevages. Arsac se fait embaucher en 2008 dans un abattoir du groupe Charal. Les images qu’il y tourne sont insoutenables. En les diffusant largement, ils font découvrir au grand public ce que les employés des abattoirs savent déjà, ainsi que le vrai visage de la production de viande.

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