Lorsque, le 30 décembre 1884, l’accueil enthousiaste à Leipzig de sa Symphonie no 7 lui laisse entrevoir un début de reconnaissance, Anton Bruckner travaille depuis six mois à la 8e, partition bien plus audacieuse et monumentale qu’il achève en août 1887. Premier à en recevoir une copie, le chef d’orchestre Hermann Levi – qui a assuré le succès de la 7e à Munich et tient son auteur pour « le plus grand symphoniste apparu depuis Beethoven » – confesse, contre toute attente, n’y rien comprendre.
Mortifié par ce désaveu, Bruckner remet l’œuvre en chantier: la seconde mouture, densifiée dans son plan et son instrumentation, est achevée en mars 1890. Dédiée au Kaiser François-Joseph, elle est créée au Musikverein par Hans Richter et les Wiener Philharmoniker le 18 décembre 1892: pour Bruckner, l’heure de la consécration a enfin sonné et les acclamations ponctuant chaque mouvement font écrire à Hugo Wolf, présent dans la salle, qu’« aucun empereur romain ne put rêver triomphe plus éclatant ».
Amalgames
Indifférent aux dogmes), composé scherzo aussi macrocosmique, tissé entre les groupes thématiques relations aussi élaborées (), osé harmonies à ce point élastiques et modulantes. Le matériau aux ingrédients (contrepoint, choral, danses paysannes, sonneries militaires) extrêmement hétérogènes, les soudaines accumulations/réductions de registre empruntées aux techniques de l’orgue, la temporalité du discours redevable pour partie à Schubert, sont amalgamés avec une maîtrise défiant l’analyse.