SE BALADER dans une brocante ou un vide-grenier avec Brett Morgen doit tenir du véritable enfer. Le genre à farfouiller dans le moindre recoin, à y passer des heures et des jours entiers, à revenir dessus après s’en être à peine éloigné. Plonger dans des archives, s’en imprégner pour proposer un regard personnel, le réalisateur américain l’avait déjà fait pour les besoins de Crossfire Hurricane, son documentaire consacré aux Rolling Stones, en 2012; de manière plus, hum… fouillée, en s’attardant sur le destin de Kurt Cobain à travers Montage of Heck, trois ans plus tard, et pour lequel Morgen ne s’était pas fait que des amis au sein de la sphère Nirvana, accusé notamment d’intimité par trop dévoilée et de voyeurisme exacerbé.
En a-t-il retenu la leçon, ou la succession de a-t-elle davantage gardé le contrôle sur ce qui pouvait être extrait des archives – quand bien même Morgen a assuré du contraire? Mêmes méthodes, résultats opposés, en tout cas. En effet, là où, avec Cobain, il tentait d’humaniser – même maladroitement – un musicien mal dans sa peau devenu icône à une vitesse supersonique et à son corps défendant, jamais on ne sent ici le moindre désir de sortir David Bowie de son… nuage de personnage perçu comme irréel, hors norme, ce fameux suivi jadis par la caméra de Nicolas Roeg. Une dimension “spatiale”, renforcée par la façon dont Morgen use et abuse d’effets psychédéliques, façon kaléidoscope, entre deux documents d’archives, deux commentaires en voix off, celle de Bowie quasi exclusivement, à travers des extraits d’interviews recueillis au cours de sa carrière.