Un an de tempête à l’Académie française
Dans la bibliothèque des académiciens, Hélène Carrère d’Encausse, le secrétaire perpétuel, jette un regard consterné aux nupieds de la philosophe Barbara Cassin. Décidément, les usages se perdent, semble se dire l’élégante nonagénaire, déjà saisie par le choix de la dernière recrue, la romancière Chantal Thomas, de remplacer la traditionnelle épée par un éventail japonais. Ce jeudi 16 juin 2022, c’est jour de fête, cette dernière devient officiellement membre de la compagnie. L’écrivaine à frange pose justement avec son accessoire, en cet instant, dans son costume dessiné par Chanel, pendant qu’à ses côtés une vingtaine d’habits verts bavardent joyeusement. On prend des nouvelles de ceux qu’on voit peu, l’historien Pierre Nora, Pierre Rosenberg, l’ancien patron du Louvre. On s’enquiert de l’absence de l’écrivainambassadeurmédecin JeanChristophe Rufin, qui s’est trompé de semaine – il est resté à Chypre. L’écrivain Dany Laferrière apparaît un peu moins décontracté que d’habitude : il doit prononcer le discours de réception de l’arrivante, sous la coupole du Quai Conti, superbe édifice à l’entrée de la rive gauche parisienne en venant du pont des Arts, inspiré de la basilique SaintPierre de Rome. Lors de la répétition générale, la semaine passée, on lui a reproché de trop filer la métaphore entre sa consoeur et Alice au pays des merveilles. Il réduira légèrement les occurrences. Chantal Thomas doit elle aussi prononcer un discours, l’éloge de son prédécesseur au fauteuil 12, sur les 40 que compte l’institution depuis sa fondation, en 1635, par le cardinal de Richelieu, afin de promouvoir la langue française. Ils ne se transmettent qu’après la mort. L’exercice marquera l’adieu à une époque de l’Académie française. Le prédécesseur s’appelle Jean d’Ormesson.
« C’étaient les années heureuses », soupire souvent Dominique Bona,
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