Marc Riboud par Corentin Fohlen
"La photo iconique de la jeune fille à la fleur de Riboud m’a toujours fasciné. Elle est sûrement la photo qui m’a le plus inspiré, qui me transcende encore quand je tombe dessus, et peut-être même celle qui m’a donné envie de devenir photojournaliste. D’abord cette image illustre une époque qui mesiècle. Avec ou sans fleur, la scène transpire la référence. Difficile d’ailleurs de savoir si cela provient du manifestant qui se met en scène ou du photographe qui cadre pour retrouver la même vision, mais je pense qu’elle est dans tous les esprits. Très certainement même dans celui du policier. À plusieurs reprises dans ma carrière j’ai vu ce genre de situation se dérouler. J’étais bien évidemment le premier à vouloir la saisir : manière inconsciente de revivre une époque révolue ? Est-ce à dire que notre époque n’a pas ses propres symboles ? Et que notre métier de photojournaliste ne cherche qu’à reconstruire la même imagerie ? Poing levé, jeune fille juchée sur les épaules d’un gars… Peut-être que la profusion de photographies – et de très bonnes ! – réalisées et diffusées au quotidien ne permet plus de créer de nouveaux mythes ? Au final, ce qui me fascine c’est que ce n’est finalement pas tant l’acte de cette jeune fille qui a rendu ce geste symbolique, mais bien le photographe qui, en l’immortalisant, a créé le symbole ! Sans Marc Riboud, porter une fleur face au canon d’un fusil ne serait resté qu’un banal geste réalisé le 21 octobre 1967 par Jan Rose Kasmir. Quand le photographe transcende la réalité pour faire advenir non pas une simple photographie, mais un symbole, une métaphore, une référence… c’est là je pense le fantasme de tout photojournaliste.”
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