« Arrête donc de faire le zouave! » Pas sûr que l’enfant a qui l’on s’adresse ainsi sache véritablement à quoi on le compare. Pas certain non plus que l’adulte qui émet la remarque soit beaucoup mieux informé. Que signifient donc les zouaves aujourd’hui pour le public, sinon une statue du pont de l’Alma censée jauger le niveau de la Seine, une colère de Tryphon Tournesol ou une allusion grivoise à une sœur hypothétique? La permanence du nom témoigne cependant de l’importance de ces combattants de l’armée d’Afrique dans l’imaginaire collectif, malgré la disparition physique des unités après la décolonisation — le 9e zouaves qui perdure de 1982 à 2006 près de Givet (Ardennes) n’est que l’enveloppe administrative d’une unité de renseignement.
Les chacals ont existé de 1830 aux premières heures de la Ve République. Mais leur image fantasmée semble indissociable du Second Empire, tout comme le marsouin est identifié aux conquêtes coloniales de la IIIe République ou le para aux combats de la décolonisation. La figure littéraire du zouave est réellement datée du milieu du xixe siècle, particulièrement chez la comtesse de Ségur (L’Auberge de l’Ange gardien, Le Général Dourakine).
L’image du zouave dans le grand public prend deux formes, selon les époques. À lire les historiques régimentaires et la littérature plus ou moins populaire des années 1850-1890, les zouaves auraient été presque tous parisiens, plutôt gouapes et mauvais garçons mais avec le cœur sur la main et un courage de lion: c’est là le stéréotype du soldat français, de Fanfan la Tulipe au xviiie siècle jusqu’au genre qu’on aime encore à se donner dans certaines écoles d’officiers. Ensuite, du tournant du xx siècle à 1962, les régiments de zouaves ont la réputation d’être des unités d’appelés juifs séfarades.