Sur la ligne de front, rester humains dans la guerre
Envoyée spéciale Sloviansk, Mykolaïv (Ukraine)
Traverser une partie de l’Ukraine revient à parcourir un pays où la normalité a cessé d’être la nôtre. Qu’ils soient sur le front ou à l’arrière, dans l’attente de l’ennemi russe ou le subissant déjà, les Ukrainiens ne lâchent rien. L’obsession est de démontrer aux envahisseurs qu’ils ne céderont jamais. Quitte à faire comme si de rien n’était.
Mykolaïv, vendredi peu avant 7 heures du matin. Le bruit caractéristique d’une arme de destruction déchire l’espace aérien. Un grand boum confirme que les Russes se montrent bien matinaux. Au moins trois missiles tirés depuis la mer Noire se sont abattus au sud du centre-ville, dans une zone habitée et encore endormie. Vitaly, 61 ans, regarde interloqué son petit immeuble détruit, et surtout le secondsouffle-t-il. Dans le raid sur cette ville portuaire et industrielle du sud du pays, deux personnes ont trouvé la mort et une vingtaine d’autres ont été blessées. Dmytro Pletenchuk, porte-parole militaire du district de Mykolaïv, confirme que si l’on est loin de vivre sous les bombardements intensifs comme ces trois derniers mois, la guerre est toujours là. lâche-t-il avec un brin de mépris. Alla, 52 ans, était dans son lit, à peine réveillée, quand tout s’est écroulé. Blessée à l’arcade sourcilière droite par un éclat, elle est déjà en train de déblayer son modeste appartement. Tout comme Dmytro, 40 ans, lui aussi touché et qui ne prend pas le temps de respirer. Personne ne crie ou ne hurle. Mais l’existence demeure incertaine. Une nouvelle normalité s’est installée, et les magasins, les restaurants rouvrent à nouveau peu à peu. En cette matinée de destruction, la preuve que les habitants ne veulent pas subir le joug de l’ennemi tient dans cette propension qu’ils ont à tout nettoyer, à effacer toute trace de l’agression du voisin russe.
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