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Au nom de leurs filles

Le 13 novembre 2015 à 21 h 47, les Eagles of Death Metal chantaient Kiss the Devil et Lola Salines dansait dans la fosse du Bataclan – là, devant, à gauche quand on regarde la scène. Trois terroristes islamistes ont surgi, kalachnikov au bras, et tiré sur la foule. Nathalie Jardin, la régisseuse lumière du Bataclan, était au Rockstar Café d’à côté, quand elle a entendu les coups de feu. Le patron a baissé son rideau de fer. « Je ne peux pas laisser tomber mes copains », a-t-elle soufflé sans écouter les mises en garde. Elle avait 31 ans, Lola allait en avoir 29.

Toutes deux étaient des filles joyeuses. L’une, éditrice, passionnée de roller derby, s’apprêtait à lancer une nouvelle collection jeunesse. L’autre, surnommée « Nathalight », devait déménager à Grenoble pour se charger des lumières d’une salle de concert. Des fanatiques aussi jeunes qu’elles leur ont volé leur avenir, et celui de 128 autres victimes lors de cette nuit d’enfer – pleurées à jamais par leurs amours, leurs sœurs, leurs frères, leurs enfants parfois… Et leurs parents.

Ce soir-là, Georges Salines dort tranquillement au côté de sa femme Emmanuelle. Il ne regarde pas le match France-Allemagne au Stade de France. Patrick Jardin, si. Lui-même a joué en troisième division à Dieppe, en Normandie. Après le coup de sifflet final, quand TF1 annonce l’annulation du point presse, l’ancien avant-centre trouve ça étrange, pianote sur sa télécommande. La nouvelle de l’attentat lui saute à la figure.

Vers 1 heure du matin, Georges Salines est réveillé par la sonnerie du téléphone. C’est son fils Clément qui raconte l’horreur. Sa sœur est injoignable, introuvable. Georges allume la télé. Il espère Lola vivante, la craint blessée, à aucun moment tuée. Les statistiques font des ronds optimistes dans sa tête : on annonce des dizaines de morts mais le Bataclan contenait 1 500 spectateurs. Blessée, voilà, elle est peut-être blessée. Patrick Jardin, lui, ne croit pas à la chance. Il le pressent, le sait : Nathalie est morte.

Que faire du flot de chagrin qui submerge toute pensée à l’annonce de l’assassinat d’un enfant ? Comment poursuivre sa vie quand on a le sentiment que le monde s’est arrêté de tourner ? Pardonner, se venger, analyser, étudier, comprendre, punir, anéantir, oublier, effacer, ressasser, riposter, sombrer, haïr, oui, haïr ? Depuis six ans, les pères de Lola et Nathalie ont pris des voies opposées et sont allés, chacun, au bout de sa logique. Georges Salines a tellement rêvé de démonter la mécanique folle qui peut pousser des islamistes à tuer au hasard sur une foule qu’il se dit prêt à dialoguer avec eux. Il a même coécrit un livre avec Azdyne Amimour, le père de l’un des assaillants du Bataclan – celui,

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