G&H: À l’été 2014, vous avez 44 ans, êtes père de deux petits garçons et vous travaillez à Dnipro (ex-Dnipropetrovsk). Et vous décidez de tout abandonner pour partir au front… Qu’est-ce qui vous pousse à faire ça?
Igor Kravchenko: D’abord, c’est l’interview que Strelkov a accordée à Slaviansk à des journalistes russes, où il a déclaré que son prochain objectif était Dnipro. Et puis il y a eu aussi cette photo prise à Kramatorsk, sur laquelle on voyait la milice [séparatiste, NDLR] locale saluer et faire son rapport à un colonel russe sur la place centrale, devant la mairie. Je sais alors que ni l’armée, ni la police ukrainienne ne sont capables d’intervenir et que si je ne vais pas défendre ma région, personne ne le fera à ma place. Je sais aussi qu’un « bataillon de sécurité » est en cours de création à Dnipro, et je me porte volontaire.
Né en 1970 à Moscou, Igor Guirkine, alias Strelkov (« tireur ») est un officier du FSB et une figure du nationalisme russe qui combat dans les années 1990 en Transnistrie (avec les séparatistes contre les Moldaves) et en Bosnie avec les Serbes, puis en Tchétchénie à partir de 1998. Il joue un rôle militaire clé dans la création de la « république populaire de Donetsk ». Mis en cause dans la destruction du vol MH17 de la Malaysian Airlines, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international.
Comment se passe votre intégration?
Sur place, des jeunes filles qui ne sont même pas militaires me posent des quantités de questions sur mes états de service – ça dure plusieurs dizaines de minutes. Je leur raconte que j’ai servi dans les troupes frontalières, qu’au lycée je faisais du tir sportif, que je suis un chasseur – bref, que je ne suis pas étranger au maniement des armes. Elles répondent qu’on va m’appeler… Une semaine passe, et comme personne ne m’a contacté, je vais au commissariat militaire et j’annonce que je me porte volontaire. Comme je souffre d’hypoglycémie, le contrôle médical émet un avis négatif. Mais je donne alors un au médecin et tout rentre dans l’ordre. Les autres offraient des pots-de-vin pour ne pas être mobilisés –].