« J’AI PEUR qu’ils me tuent… »
Aquoi ressemble un voyage en enfer ? Le 1er octobre 2021, Assefa, 35 ans, passe une journée ordinaire à bord du Trudy, un immense cargo naviguant au large de Calais. Il travaille comme ingénieur mécanicien. De 8 à 17 h, il est en salle des machines, en attendant de regagner sa cabine, assommé de fatigue et d’ennui. Son contrat touche à sa fin : d’ici à quelques semaines, il pourra retrouver sa femme et ses deux enfants de 2 ans et 4 mois, à Addis-Abeba, en Éthiopie.
Parti du Brésil, le Trudy doit atteindre Anvers dans la soirée, avant de lever l’ancre pour Rotterdam. Il vogue à 13 nœuds, vitesse de croisière. Vers 14 h, une manœuvre interrompt les marins dans leur routine: le navire ralentit de manière soudaine. Assefa demande aux ingénieurs, aux machinistes, aux matelots, pas de réponses... « Capitaine, s’enquiert-il, que se passe-t-il ? Pourquoi le bateau perd de la vitesse ? » Le Trudy est cerné. Un hélicoptère tournoie dans le ciel pendant qu’un patrouilleur suit le cargo à la trace pour s’assurer qu’aucune marchandise ne sera jetée par-dessus bord. La mer est démontée, impossible pour les douaniers d’intervenir, le navire est dérouté vers Dunkerque, pour un contrôle de fond en comble.
Arrêter un tel monstre, c’est glisser un grain de sable dans la machine bien huilée de la mondialisation. Imaginez : chaque jour, 600 bateaux transitent par la Manche, le couloir maritime le plus fréquenté au monde. Le Trudy est un cargo de 185 m de long, l’équivalent d’une tour de La Défense couchée sur l’océan. Une centaine de pièces sur neuf étages et des cales de 11 m de profondeur. Que peuvent bien chercher les limiers à bord ? Ils ne sont pas là par hasard : Anvers est la porte d’entrée européenne du trafic de drogue et la DEA les a prévenus de l’arrivée d’une étrange cargaison. Oui, la Drug Enforcement Administration, la prestigieuse agence antistups américaine, celle qui a mené les traques de Pablo Escobar ou d’El Chapo, et dont on voit les agents dans les séries comme Narcos ou Breaking Bad.
À 19 h 30, les douaniers français montent à bord avec une équipe de maîtres-chiens. Début d’un contre-la-montre. Chaque minute coûte des milliers d’euros de retard de livraison à l’armateur. Pas le temps de décharger la cargaison, il faut faire vite, tout le monde est sous pression. Ils avancent dans l’improbable dédale d’escaliers, de coursives étroites, de cabines rongées par le sel, la rouille et l’humidité. Mais ils semblent savoir où chercher.
À 21h, les
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits