Besançon, la guerre et le président
Une présidentielle? Une guerre? A Besançon, quatre semaines après l’offensive russe en Ukraine et à moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle, les apparences sont à la vie comme elle va. Dans la Grande Rue, les vendeurs à la sauvette proposent leurs bouquets de jonquilles à 2 euros. L’aprèsmidi, une foule bigarrée se presse, en quête d’une petite robe de printemps ou d’un bouquin de droit ou de sociologie. Le soir venu, les étudiants se retrouvent dans les bars de la rue Bersot pour parler Covid, vacances et dernière soirée arrosée. On est presque surpris, ici ou là, de voir surgir les visages de Philippe Poutou ou de Jean-Luc Mélenchon entre deux affiches annonçant les concerts de Bernard Lavilliers ou de Bénabar. La vie comme avant, la vie comme si de rien n’était.
Une présidentielle? Une guerre? Pour Nadège Klyueva-Jacquel, la vie n’est plus la même depuis quelques semaines dans son magasin mêlant artisanat russe, produits alimentaires d’Europe de l’Est et blouses ukrainiennes au centre-ville de Besançon. Russe, elle est arrivée en France en 2006, s’y est mariée, a pris la nationalité française. Elle avait choisi le nom de sa boutique, « Sinéoka » (soit « le ciel bleu » en poésie russe), comme le symbole de ce qu’elle voulait créer, un lieu de rencontre autour de la culture, de la nourriture et des voyages. La politique l’a lorsqu’elle relaie les messages d’une brodeuse ukrainienne avec laquelle elle travaille. Il y a ces amies d’enfance en Russie qui lui demandent si elle veut que son pays perde la face. Au magasin, des clients, parfois français, viennent lui dire que la Russie a raison, souvent par antiaméricanisme. Elle a tenté de répondre par l’humour, ça n’a pas marché, désormais elle se tait. Elle en rit, de cette folie, pour ne pas désespérer.
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