Sept

Un marchand de poignards, une banque cleptomane et la CIA

Dans la ville d’Idaho Falls vivait un riche fabricant de poignards. Sa spécialité: des armes de combat hyper perfectionnées destinées aux forces spéciales américaines et à quelques connaisseurs. Ses poignards avaient la réputation d’être les meilleurs au monde, il en avait vendu des dizaines de milliers. Il savait les dégâts causés par une bonne dague bien employée, après qu’en 1965 son petit groupe de bérets verts a été décimé par les Viêt-cong à Dong Xoai sur la piste Hô Chi Minh. Les pertes furent très lourdes: seuls 6 de ses 19 hommes survécurent. Pour avoir sauvé quatre d’entre eux, il reçut la Distinguished Service Cross, la deuxième décoration la plus importante d’Amérique. Le septuagénaire aimait à raconter comment il s’était servi de son couteau de combat Ka-Bar pour déchirer le sternum d’un ennemi avant de lui arracher la tête de ses mains nues. Il disait n’avoir eu de cesse depuis d’améliorer l’arme, passant ses journées à réfléchir sur ces quelques millimètres d’acier effilés au nanomètre près, et scrutant l’ultime frontière entre la vie et la mort. Les clients se l’arrachaient. Pour tous, le nom de Michael Jon Fuller était synonyme de fiabilité, qualité et de mort assurée. Rares étaient ceux à connaître son terrible secret.

A des milliers de kilomètres d’Idaho Falls, au quartier général de la CIA à Langley dans la verdoyante banlieue de Washington, il n’y avait plus personne pour se souvenir de lui. Ses agents traitants étaient soit morts soit à la retraite. Pourtant si un officier du renseignement avait eu la curiosité de fouiller dans les archives, il aurait découvert que l’artisan ès poignards s’appelait en réalité Michael Jon Hand, recherché depuis des décennies par la police et les Services secrets australiens pour avoir trempé dans l’un des plus grands scandales du continent, celui de la banque de tous les trafics, de tous les coups tordus, des coups d’Etat, la banque de la CIA, la Nugan Hand Bank. Une ténébreuse histoire qui remonte aux années 80 et commence sur une route de campagne peu avant l’aube. Il est un peu plus de quatre heures du matin, ce dimanche 27 janvier 1980, quand une patrouille de police repère une Mercedes-Benz Sedan stationnée en rase campagne tous feux allumés. Nous sommes à une centaine de kilomètres de Sydney, sur un parking d’autoroute. A l’intérieur de la berline, les agents découvrent le corps d’un homme gisant, la tête transpercée d’une ou plusieurs balles. L’autopsie sera incapable d’établir le nombre exact de projectiles. A ses côtés, un fusil de chasse. Non loin du cadavre, une Bible où l’on distingue ces quelques mots griffonnés sur la page de garde: «Je crois. Je crois qu’aujourd’hui sera un jour glorieux, magique et miraculeux. Il est avec moi maintenant. Jésus marche. Imaginez cent mille clients à travers le monde entier. Résonnez prières. Dieu est notre partenaire à la NHB & Co.» Si les policiers prennent l’affaire au sérieux, c’est qu’ils trouvent dans les poches du macchabée une carte de visite des plus compromettantes. Sur un petit carton bristol ensanglanté figure le nom de William Colby, directeur de la CIA de 1973 à 1976. Au dos, une main a noté les différentes étapes d’un voyage d’affaires que Colby doit effectuer le mois suivant en Asie. La présence de cette carte de visite n’a cependant rien de fortuit, l’ancien patron de l’Agence est aussi l’avocat de l’homme retrouvé assassiné dans la Mercedes non loin de Sydney. En ouvrant la Bible à la page 252, les policiers tombent

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