Guerre d’Algérie : le musée fantôme
Nom de code : MHFA, pour « musée de l’Histoire de la France et de l’Algérie ». Un musée de l’impossible, dans les tuyaux depuis près de vingt ans, plusieurs fois remis sur l’ouvrage, puis abandonné. Trop de pressions politiques – voire diplomatiques –, de débats picrocholins, de rancœurs pas digérées… Dans cette guerre des mémoires, chaque camp avance encore avec sa souffrance en bandoulière. « C’est un exercice difficile que d’écrire sur la colonisation et la guerre d’Algérie, prévient Benjamin Stora dès les premières pages du rapport qu’il a rendu sur le sujet au président de la République, le 20 janvier 2021*. Car, longtemps après avoir été figée dans les eaux glacées de l’oubli, cette guerre est venue s’échouer, s’engluer dans le piège fermé des mémoires individuelles. »
S’il en fallait une énième preuve, il suffira, ces prochains jours, d’écouter les éternelles querelles qui accompagneront le 60e anniversaire de la signature des accords d’Évian (18 mars 1962). Convient-il de le célébrer comme la fin d’une guerre dont on a longtemps tu le nom (le terme « guerre d’Algérie » est entré dans la législation française en… 1999 !) ? Ou d’y voir, comme de nombreux rapatriés jusqu’à aujourd’hui, une « trahison » de l’État français ? Beaucoup, souvent les plus jeunes, regardent passer avec ignorance ou indifférence ces débats enflammés. Difficile d’y voir clair, en effet, dans ce champ encore miné où des interprétations politiques venues d’un autre siècle distordent encore la réalité historique.
Alors, est-il seulement imaginable d’en faire un musée ? AuDepuis mai 2021, historiens, conservateurs et scientifiques se sont, une fois de plus, penchés sur le berceau. Il existe même un projet écrit, une cinquantaine de pages que le JDD a vues sur le coin d’un bureau mais n’a pas pu lire. répond son aimable possesseur en remettant le document dans un tiroir. Chacun a peur des pressions qui pourraient, encore, être fatales au bébé-musée. L’équipe – informelle – qui pilote le MHFA avance en toute discrétion.
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