De belles choses avant les fêtes
“McCartney 3, 2, 1”
Disney+
l est plus que recommandé aux amateurs des Beatles (et plus particulièrement de leur bassiste), décidément à la fête en cette fin d’année, de visionner les six épisodes de “McCartney 3, 2, 1”. On le sait, et on l’a déjà écrit, cette profusion de sorties (coffret “Let It Be”, livres, docu-série…) ne doit rien au hasard: traditionnellement, dans les années soixante, le groupe publiait de belles choses (surtout des albums) avant les fêtes, et se fendait même d’un single de Noël réservé aux membres de son fan-club. Au cours des décennies qui ont suivi, la bonne habitude a été conservée (le premier volet de la lucrative “Anthology” a été diffusé en novembre 1995, les remasterings de 2009. Sortis de sa bouche, ces mots pèsent leur poids et on ne s’étonnera pas que dans “McCartney 3, 2, 1”, Rubin serve un peu la soupe à son aîné en lui posant pas mal de questions mijotées à l’avance. Toujours à l’aise lorsqu’il s’agit de parler musique, et a priori de la sienne, Paul McCartney, malgré les années et un visage que le temps ne semble pas être le seul à avoir sculpté, argumente avec entrain, dodeline du chef, se laisse aller à quelques déhanchements, s’extasie à l’ouverture des pistes et, lorsque c’est nécessaire, empoigne une guitare ou plaque quelques accords sur un piano Rhodes. Les débuts des Beatles, ses influences majeures (mais sans allusion au skiffle…), l’évolution du groupe et le besoin de bousculer les conventions musicales avec la complicité de Martin, et sa relation avec John Lennon sont quelques-uns des thèmes survolés par les deux protagonistes. Parfois, dans l’ombre d’un plan et histoire de rappeler que la série a été tournée entre deux confinements, un technicien masqué passe furtivement. Unanime comme rarement, la presse mondiale s’est pâmée devant l’exercice. On se permet toutefois de signaler que le bât blesse sur un point crucial: en près de trois heures, on n’apprend rien ou presque. On n’ira pas jusqu’à qualifier les propos de Paul de litanie, mais tout ce qu’il dit ici, il l’a déjà exprimé plusieurs fois ailleurs (quel amateur de son art ne connaît pas l’anecdote du vol des démos de “Band On The Run” au Nigeria?), et notamment dans ce journal ou des livrets des rééditions de son back-catalogue. Bien sûr, les passages avec des instruments sont beaux et toujours émouvants (la voix de Paul, pourtant plus ce qu’elle était, y est pour beaucoup), mais ils n’étayent le plus souvent que des déclarations connues. Certes, on peut juger bouleversant le moment où Rick Rubin lit à McCartney une phrase très élogieuse dont il semble ignorer l’auteur… Il s’agit évidemment de John Lennon. En la “découvrant”, Paul confie qu’il est d’autant plus touché que son partenaire n’avait pas le compliment facile. Et donc, malgré des sous-titres lamentables (fautes d’orthographe, contresens, la totale…), il serait stupide de bouder le plaisir que procurent ces instants passés en compagnie d’authentiques géants du rock et de la pop, mais également naïf de ne pas prendre “McCartney 3, 2, 1” pour une belle opération d’autopromotion destinée, aussi, à booster les ventes du recueil de paroles de chansons évoqué en pages centrales.