Paroles de directeurs
Serge Dorny, Penser l’opéra à présent sous la direction de Nathalie Moine. Actes Sud, 144 p., 24 €.
Dessous de scène. Histoires d’opéra par Olivier Mantei. L’Arche, 112 p., 15 €.
A l’heure de laisser une maison d’opéra dans un état est un ouvrage collectif ayant pour fil rouge une longue interview de l’intendant flamand, qui vient de passer dix-huit saisons à Lyon. Le nouveau directeur du Bayerische Staatsoper de Munich y évoque ses maîtres, au premier chef Gerard Mortier, avec qui il a travaillé à Bruxelles, et Ernest Fleischmann, qui lui a ouvert les portes du London Philharmonic Orchestra. Serge Dorny défend son attachement à un art lyrique bien vivant, comme le font une douzaine de contributeurs ayant produit un texte ou répondu à un entretien, qu’ils soient à la tête d’une institution comme lui (Alexander Neef), metteur en scène (Krzysztof Warlikowski), compositeur (Thierry Escaich), écrivain (Atiq Rahimi), dramaturge (Georges Banu), critique (Christian Merlin)… Le compliment pour les succès lyonnais de Serge Dorny y est fréquent, au risque de faire passer l’ensemble pour un panégyrique. Changement d’approche sous la plume volontiers espiègle d’Olivier Mantei, le nouveau directeur de la Philharmonie de Paris guidant le lecteur dans les coulisses de Favart, mais aussi des Bouffes du Nord. L’occasion, là encore, d’afficher ses convictions mais aussi de solder un différend à l’endroit d’un membre de la Cour des comptes dont le rapport fit grand bruit mais qui, selon notre auteur, « n’est pas à un paradoxe près »: « il salue le bon travail d’ouverture à l’Opéra Comique » mais « recommande parallèlement une augmentation des tarifs, qu’il juge trop bas ». Comme si l’opéra n’était déjà pas « un service public pour usagers fortunés »! Une contrariété parmi d’autres qui sont le lot d’un métier où il faut savoir déminer, anticiper… Olivier Mantei le rappelle dans des impromptus, distrayantes respirations où le lecteur assiste à une scène de tension heureusement dénouée entre un chef et un ténor, puis s’amuse quand William Christie et un de ses collaborateurs espèrent que le directeur de Favart puisse « les convaincre de la dernière idée qu’ils ont eue »! Aussi différents de facture soient-ils, les deux livres consonent, parfois dissonent, mais ils résonnent toujours intelligemment sur des enjeux aussi majeurs que la coproduction, la création, la troupe, le streaming, plus globalement le sort d’un art que nos auteurs évoquent et servent passionnément.
