Le Clos Cristal, ses murs, ses vins
Qu’est-ce qu’un vignoble façonné intégralement par la main de l’homme sinon un entêtement de civilisation ? Cette lutte obstinée pour cultiver de la vigne, y compris là où son épanouissement ne s’y prêtait pourtant pas, laisse une trace spectaculaire et toujours présente dans l’histoire de nos territoires. À la vallée du Douro, ses terrasses vertigineuses ; à Côte-Rôtie, ses chaillées de l’enfer ; et à la Loire, les murs debout du clos Cristal, solennels,, comme on le surnommait, souhaite créer un rouge sur ces terres de blancs. Sans le soleil des régions méridionales pour donner leur chance aux raisins rouges, gourmands en ensoleillement et en températures clémentes. Visionnaire et anticonformiste, ce républicain convaincu, grand ami du vieux tigre Clémenceau, invente un système unique : dresser des murs au service de la vigne. Au frais et sans stress hydrique, le pied planté au nord laisse son tronc tortueux s’engouffrer dans un trou à mi-hauteur. De l’autre côté, face au sud, sarments, baies et canopées se développent. Des jours, voire des semaines, de maturité gagnés selon les millésimes et un raisin à point sur les plans technologique (niveaux de sucre et d’acidité), aromatique et polyphénolique (richesse en anthocyanes, dégradation des tannins astringents). Cristal a trouvé. Trois kilomètres de murs lui permettent de caresser l’idée de faire un grand vin ici, sur dix hectares, au cœur du Champigny, tout près de Saumur. Ceux de l’enceinte, ceux qui le traversent, dans la longueur, dans la largeur, tous apportent spécificités climatiques et chaleur bienvenue, conformément à la complexité de l’endroit. Mieux, les deux types d’ouvrage accompagnent la géologie hétérogène du clos qui, d’un secteur à l’autre, oscille entre banc de sables et couches d’argiles plus ou moins profonds, sur la roche-mère calcaire du tuffeau. Autres éléments de cette équation complexe, le bois en surplomb protège le vignoble des vents du nord, tandis que les écarts de pente au sein du clos entraînent des variations de température non négligeables entre hauts et bas de rangées. Bref, un terroir, un vrai.
