Le 13 août 1704 au point du jour, le maréchal de Tallard va sceller une lettre destinée à Louis XIV quand il s’aperçoit que les troupes adverses commencent à se regrouper de l’autre côté du Nebel, petit affluent bavarois du Danube, qui les sépare. Le maréchal est confiant: jamais les ennemis n’oseront venir attaquer deux armées françaises solidement postées. Rouvrant sa lettre, il ajoute dans un post-scriptum que l’ennemi bat en retraite. Et il juge inutile de réveiller ses propres hommes: après six semaines de marche dans des conditions épouvantables, ils sont épuisés et méritent bien un peu de sommeil supplémentaire.
John Churchill, duc de Marlborough (1650-1722), est issu de la petite noblesse anglaise. Il s’élève d’abord dans l’entourage du roi Jacques II, avant de le trahir en 1688 pour Guillaume d’Orange. Ses allégeances floues lui valent la prison en 1692, mais sa femme est l’amie intime d’Anne Stuart, qui devient reine en 1702 et assure sa promotion. Général, politicien, diplomate, il est le premier stratège de la Grande Alliance – mais il multiplie les ennemis à domicile et il est rappelé suite à son demi-échec à Malplaquet.
Maximilien-Emmanuel de Wittelsbach, électeur de Bavière (1662-1726), est un prince d’empire. Il sert aux côtés de l’empereur contre les Turcs puis contre la France, avant de rejoindre le camp de Louis XIV en 1703.
Déjà, le maréchal savoure son succès. Par sa seule présence, il a contraint l’armée coalisée au repli et sauvé ainsi la Bavière. Le duc de Marlborough, cet intrigant sans expérience militaire, n’a plus qu’à rentrer outre-Manche la queue entre les jambes! Et pourtant, à la nuit tombée, c’est Tallard qui prend la route de l’Angleterre, installé dans le carrosse de Marlborough. Il a perdu en un seul jour sa liberté, ses troupes, sa renommée et son fils aîné, tué au combat. L’armée française, elle, a perdu bien plus que tout cela: sa réputation d’invincibilité. Blenheim vient de renverser l’équilibre des forces durant la guerre