RICHE ET LÉGÈRE
A LÉGÈRETÉ, PLUTÔT QUE LA VOLONTÉ un peu vulgaire, et au fond souvent commerciale, de choquer. La légèreté, ce défaut que l’on prête aux Français, la légèreté indispensable à l’élégance, fut sans doute la cause des extravagances et des miracles qui restent attachés aux pages de l’édition parisienne de . Dans notre époque si moralisatrice, la légèreté n’a jamais été aussi mal vue et pourtant, sans elle, bien des photographes ici célébrés n’auraient pu produire des images aussi fortes. Guy Bourdin, par, composée à l’époque de Francine Crescent, la rédactrice en chef, mais aussi de Robert Caille (nom moins connu mais très important directeur du journal), couvrit, en dépit des protestations de certains annonceurs, les jeux pervers et innocents du photographe. Aujourd’hui il est convenable d’admirer les clichés de Bourdin ou d’Helmut Newton, mais il faut bien savoir que dans leur âge d’or, il n’était pas facile d’éditer ces gens-là. Il fallait tout simplement une certaine forme de courage ou d’indifférence aux pressions. «Guy et Francine ne jouaient pas la provocation, Francine lui laissait simplement la liberté d’exprimer son imaginaire, se souvient Martine de Menthon, collaboratrice de dans les années 70. Elle ne faisait confiance qu’à très peu de gens, mais quand elle décidait de soutenir un très grand talent, elle le laissait tout à fait libre.» Le mot «provocation» semble déplaire à ce témoin de l’époque et c’est Martine de Menthon qui me souffle celui de «légèreté», que Karl Lagerfeld n’aurait sûrement pas désavoué.
