VICTIMES ET BOURREAUX
C’est fou tout l’arsenal que l’on peut trouver au domicile d’un coach en entreprise: deux fusils à pompe, un semi-automatique, un troisième de précision, des chargeurs, une bombe lacrymogène, des centaines de cartouches et même une aide à la visée laser pour les tirs de nuit. Le soleil n’est pas encore levé le 29 janvier 2021, quand les limiers de la brigade criminelle, accompagnés d’une équipe du Raid, pénètrent dans cet étrange palais aux allures de bunker, perdu sur une parcelle boisée de Provence. Trois plateaux de 200 mètres carrés, coquetterie et paranoïa à tous les étages, avec meubles design, écrans de contrôle et caméras pour quadriller le domaine. Près de l’entrée, le cellier renferme des stocks de denrées alimentaires, surtout des pâtes, entassées dans des bidons étanches. Dans le garage s’accumulent des litres de produits pour fabriquer du gel hydroalcoolique maison. Les policiers consignent les moindres détails dans leur procès-verbal, comme pour s’assurer que tout ceci est bien réel.
Voilà des mois qu’ils travaillent sur la filière qui voulait liquider une coach en entreprise et chaque avancée de leur enquête les emmène un peu plus loin dans la folie et l’absurdité [Vanity Fair, août 2021] : ils ont d’abord arrêté des gardes-barrières de la DGSE qui se prenaient pour des espions, un agent de sécurité rapprochée persuadé de servir son pays, un retraité des services, ou encore un ancien chargé de communication d’un groupe automobile. Les voici à présent chez ce survivaliste surarmé de 64 ans, sosie du colonel Walter E. Kurtz, joué par Marlon Brando dans Apocalypse Now.
« C’est de la science-fiction », se défend l’intéressé, Jean-Luc, en apprenant sa mise en examen pour tentative d’assassinat en bande organisée. Lui se présente comme un expert en coaching. Il a étudié les sciences humaines et sociales, suivi des formations en programmation neurolinguistique, une méthode de développement personnel fondée sur la communication non verbale. Jean-Luc est même « coach pour coachs ». Il forme ceux qui doivent rattraper les cadres au bord du burn out. Il réside en Provence mais son centre d’apprentissage se situe dans les Yvelines, en région parisienne. Il gagne d’ailleurs confortablement sa vie: environ 16000 euros par mois en comptant les dividendes qu’il se verse en fin d’année. Bref, du solide. « Nous sommes leaders depuis à peu près huit, dix ans », explique-t-il aux policiers incrédules.
Eux l’interrogent sur la femme de 54 ans visée par les tueurs, une certaine Marie-Hélène Dini. « C’est une consœur concurrente et puis voilà », balaie-t-il, avant de se perdre en détails sur les commissions paritaires duque la malheureuse avait fait l’objet d’une tentative de meurtre pendant l’été 2020, mais quel rapport avec lui ? « Tout le métier a “bruissé” de cette affaire, souffle-t-il. Je ne peux pas ne pas être au courant. »
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