Chypre, le deuil impossible
Envoyée spéciale Nicosie (Chypre)
Parfois, un espoir insensé jaillit. Comme ce jour de juillet quand, sous une chaleur harassante, Marios Petrides se prend à rêver devant l’église Agios Nikolaos, dans son village natal d’Episkopeio, où une stèle en mémoire de son père disparu a été érigée. « Comme beaucoup de familles, nous ne voulons pas croire qu’il est mort, souffle-t-il. Nous pensons qu’un jour il frappera à la porte, qu’il reviendra. » Mais le plus souvent, la raison l’emporte. L’officier de police chypriote grec poursuit alors l’enquête qu’il mène inlassablement pour comprendre ce qui s’est passé après le 20 juillet 1974, lorsqu’il a vu son géniteur, Nikos Petrides, pour la dernière fois.
Ce jour-là, le bus s’est arrêté devant leur maison, une bâtisse basse en pierres claires entourée d’oliviers. Le patriarche, soldat de réserve, est monté à bord direction Nicosie, la capitale, à une vingtaine de kilomètres de là. « Je jouais dehors dans la cour avec un faux pistolet et je lui ai demandé où il allait, se souvient Marios, les larmes aux yeux. Il m’a répondu qu’il se rendait à la guerre et qu’il reviendrait. Je lui ai dit : “Je pars avec toi, je prends mon arme.” Il m’a regardé sévèrement et m’a répondu : “Va voir ta maman.” Elle était assise dans la cuisine, bouleversée. Je lui posais des questions et elle ne répondait pas. » Le silence règne à présent depuis quarante-sept ans.
Des drames comme celui-ci, chaque Chypriote grec ou turc en endure : un grand-père, un oncle ou un ami introuvable
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