MÉMOIRES DE NOS PÈRES
Si la rentrée littéraire 2020 lui accordait déjà une place de choix (que l’on songe à Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin, aux Aérostats d’Amélie Nothomb, à l’Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon ou au Saturne de Sarah Chiche), la figure du père apparaît comme l’un des piliers de cette rentrée 2021. Omniprésente dans l’espace littéraire, la relation père-enfant traverse la production narrative depuis la Genèse et le sacrifice d’Isaac par Abraham. De l’OEdipe roi de Sophocle aux shakespeariens Hamlet et Roi Lear, de l’Odyssée d’Homère aux romans de Marcel Pagnol, le pater familias se décline en d’innombrables visages dans des textes aussi bien autobiographiques que purement fictionnels. En lien avec l’essor de la psychanalyse, la littérature du xxe siècle observe néanmoins une récurrence de plus en plus marquée de la thématique de la filiation, depuis les années 1980 notamment. Annie Ernaux, Jean Rouaud, Pierre Bergounioux, Claude Simon, Pierre Michon, parmi beaucoup d’autres plumes, ont travaillé cette figure complexe faisant écho à la quête ontologique des origines. En littérature contemporaine, sa présence récurrente se double paradoxalement d’un phénomène d’effacement : inconnu, fuyant ou aux abonnés absents, le père fait souvent l’objet d’un travail d’enquête, d’une « archéologie des origines », si bien que l’écrivain, en exhumant les indices du passé familial, devient symboliquement par l’écriture le géniteur de son père.
Aimant ou violent, solide ou dépassé par les événements, le père apparaît rarement comme une figure apaisée, incarnation d’une relation de dépendance, d’emprise ou de domination, dans
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits