CHANEL EN SES CHÂTEAUX
Pour aller du château Rauzan-Ségla, à Margaux, sur la rive gauche, au château Canon, à Saint-Émilion, sur la rive droite, le plus simple et le plus court, c’est de traverser l’estuaire. Le canot Riva, historique et parfaitement restauré, fend les eaux limoneuses, couleur café au lait. Aux siècle, protégé derrière ses murs. Passé le châtelet d’entrée, cour, tour crénelée, tourelle, échauguette, passage voûté, pavillons et chais défilent… on change d’époque. Canon, c’est un château XVIII veillant sur son vignoble clos de mur et posté en haut d’un plateau. Une sentinelle de pierres blondes dotée d’un jardin secret. Deux propriétés charmantes, enracinées dans leur terroir. En vingt-cinq ans, les vignobles des deux grands crus classés ont été relevés par des vignerons passionnés. Les châteaux, eux, ont littéralement remis des couleurs vives sur leurs siècles passés, grâce à l’architecte new-yorkais Peter Marino, francophile, collectionneur d’art, spécialiste des arts décoratifs. Il dessine des boutiques fabuleuses pour les géants du luxe et des villas inouïes pour les stars. Rauzan-Ségla et Canon ne pouvaient donc lui échapper. À « Rauzan », cocon poétique à la campagne, Peter Marino a convoqué meubles, céramiques, faïences, gravures et tableaux anciens, soies et velours dans une profusion de rouges et de roses, de tentures et de tapisseries dans un assemblage de motifs foisonnants. On glisse sur des parquets craquants dans un halo de lumières tamisées, hors du temps. Canon est plus surprenant, son décor, plus contemporain, en rouge vermillon et bleu cobalt. Des tissus aux imprimés cinétiques rivalisent avec les sols en damier noir et blanc, du mobilier scandinave, des vanneries et des meubles en bambou accompagnent les tapis mexicains et guatémaltèques sous un lustre vénitien. Ici et là, à l’instar des grands crus qui dorment dans leurs caves, il est toujours question d’affirmer un style. Sans jamais se départir d’élégance. Pour traverser le temps.
