Le grand ratage de l’Europe
e devait être le grand moment européen. La campagne de vaccination était très exactement ce que l’Union n’avait pas le droit de rater. Et qu’on ne vienne pas nous dire que la santé ne relève pas formellement de sa compétence: ce qui touche au respect de la vie humaine est le coeur même des valeurs qu’elle incarne. De l’Europe, on n’attend pas de miracles sur le dynamisme entrepreneurial qui structure l’Amérique ou l’Asie. On n’attend pas d’elle prouver l’avantage inconditionnel que nous avons, nous les Européens, à être ensemble et unis dans l’adversité. Le début de la pandémie fut illustré par le spectacle désolant d’une cour de récré où des Etats membres se volaient leurs masques entre eux, où d’autres fermaient leurs frontières sans concertation. Puis vinrent la fierté et l’euphorie: l’initiative exceptionnelle prise en mai 2020 par Angela Merkel et Emmanuel Macron, reprise par la Commission européenne et votée à l’unanimité des Etats, de contracter un emprunt commun destiné à un vaste plan de relance pour les pays et secteurs les plus meurtris par le Covid. Puis cette autre initiative, en juin, de mutualiser les commandes de vaccins à l’échelle de l’Union, afin d’éviter que certains pays ne se retrouvent défavorisés. Après avoir opéré une révolution en brisant le tabou allemand de la mutualisation des dettes, la chancelière convainquait son pays de ne pas profiter seule du vaccin qu’elle avait contribué à produire, le Pfizer-BioNTech. C’était magnifique. Une Europe solidaire et plus politique se réveillait à la faveur de la crise. L’enchantement fut bref. La bonne idée de centraliser les achats de vaccins n’a pas survécu à sa mise en oeuvre. Commandes passées trois mois trop tard, révision à la baisse des engagements pris par les laboratoires, retard à l’allumage de la Commission, aggravé ensuite par les défaillances logistiques des Etats membres.
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