Les Veillées des chaumières

L’atelier de mon père

L’atelier de mon père était immense. Très haut de plafond, avec des poutres et des murs en pierre, il ressemblait à une grange, avec une verrière imposante qui lui conférait un côté atelier d’artiste, et faisait largement entrer la lumière. De grandes portes de bois s’ouvraient sur la grand-place du petit village. Les habitations s’enroulaient autour de l’église. Le long de la rue principale s’égrenaient maisons et commerces: les deux boulangeries, la pâtisserie, les trois épiceries, la boucherie, la quincaillerie, la cordonnerie, la mercerie, la pharmacie, l’hôtel-restaurant et une multitude de petits cafés où il aurait été malvenu de ne pas s’arrêter.

L’atelier était donc encadré par deux cafés, où l’on se devait de se rendre alternativement afin de ménager les susceptibilités. Mon père mettait un point d’honneur à les faire travailler quotidiennement et de façon équitable. Il tenait beaucoup à entretenir des rapports courtois avec ses voisins, et à participer à la santé économique du village. Un échange de bons procédés qui ne pouvait qu’être bénéfique pour le commerce. Avec lui, on ne concluait jamais une vente sans passer chez la Céline ou sans aller trinquer chez Faucher. Toute autre pratique aurait été jugée profondément incorrecte, et personne d’ailleurs ne songeait à la remettre en cause.

Le métier de mon père lui permettait cette liberté, et il n’aurait pas été bien vu qu’il déroge à cette tradition, alors que d’autres devaient souvent attendre la fermeture de midi pour pouvoir se rendre dans le café le plus proche de leur boutique, avec le dernier client ou le fournisseur qui avait eu la politesse de rester jusque-là, encouragé par le menu affiché devant la porte du restaurant dont la réputation n’était plus à faire. La pause apéritif et le déjeuner venaient alors ponctuer une journée de labeur, somme toute bien remplie, et il n’était pas question de s’en affranchir.

Ainsi allait la vie, en ce début des années soixante. On n’avait gardé que le meilleur des années passées et, s’il travaillait beaucoup, souvent tard le soir, et même le samedi et le dimanche, mon père n’en avait pas vraiment conscience. Enfin, le dimanche matin seulement, car Jeanne, ma mère, qui était très pieuse, n’aurait jamais accepté de le voir travailler toute la journée. Si elle avait

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