LA PRUSSE FOUDROYÉE PAR UNE CAMPAGNE ÉCLAIR
Dans son ouvrage Notes sur la Prusse dans sa grande catastrophe-1806, Clausewitz porte sur sa patrie un regard particulièrement sévère, et même cruel, qui s’impose par la suite comme un lieu commun: « une confiance démesurée et mêlée de vanité dans ses formes laissait bien voir que l’esprit en avait disparu ». Pourtant, c’est entre 1822 et 1823 que le théoricien militaire rédige son analyse, alors même qu’il a été témoin de son redressement spectaculaire et de sa revanche, en 1813-1815. C’est dire si le traumatisme de 1806 demeure bien présent.
Une animosité vieille d’un demi-siècle
La Prusse, alliée de Louis XV au cours de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), a largement profité, grâce à une paix séparée, des grandes victoires françaises de Fontenoy (1745) et de Lawfeld (ou Lauffeld, 1747) contre l’Angleterre et l’Autriche. À force, selon les mots de Voltaire, de « travailler pour le roi de Prusse », Paris a développé une certaine méfiance envers Frédéric II, prélude à un renversement d’alliance. Celui-ci se matérialise durant la guerre de Sept Ans. La Prusse alliée des Anglais devient alors le principal adversaire continental de la France. Le 5 novembre 1757, elle inflige à Rossbach une terrible défaite aux troupes franco-autrichiennes du prince de Soubise (voir G&H no 21, p. 38). Alors que la pensée tactique et stratégique du XVIIIe siècle est très largement dominée par les penseurs français, comme Folard ou Puységur, et que les exploits et les écrits du maréchal de Saxe sont encore présents dans toutes les mémoires, c’est bien Frédéric le Grand qui s’impose comme le plus grand capitaine de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Si la leçon administrée par Frédéric à Soubise provoque un complexe durable chez les généraux français, elle est à l’origine d’un excès de confiance chez leurs homologues prussiens. Les deux armées se retrouvent face à face le 20 septembre 1792 à Valmy, dans un contexte radicalement différent. La bataille se résume à une canonnade. Le duc de Brunswick qui commande côté prussien ordonne le repli de ses troupes avant qu’elles ne soient à portée de fusil des soldats de l’An II. Valmy n’efface cependant pas Rossbach : les deux protagonistes sont conscients qu’il n’y a pas vraiment eu ce jour-là
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