À L’ÉCOLE DU POUVOIR
Andrew Cuomo pose sa fourchette et prend un stylo. Lundi 13 avril, quarante-trois jours après l’apparition du premier cas de Covid-19 dans l’État de New York, le gouverneur est à table dans son imposant manoir de fonction, en train de déguster un saumon grillé avec la plus jeune de ses trois filles et des membres de son équipe. Le matin, il a annoncé une bonne nouvelle : la courbe des contaminations commence à s’aplatir. Quelques heures plus tard, il a présenté à la télévision une alliance de six États pour planifier le déconfinement. Quand soudain, Donald Trump apparaît sur le téléviseur du salon pour déclarer sans ménagement que son « autorité est totale », que lui seul décidera de la date où ses concitoyens retourneront au bureau, à l’école ou dans les stades de baseball et que cela pourrait bien se produire « plus tôt que prévu ».
Toutes affaires cessantes, Cuomo demande à son premier adjoint de lui trouver le passage du dixième amendement qui précise les droits dont jouissent les États fédérés. Deux semaines plus tôt, le président avait déjà voulu imposer un embargo sur toute la région de New York et Cuomo ne s’était pas démonté : il avait appelé le responsable juridique de la Maison Blanche pour vérifier si tout cela était bien constitutionnel. Surprise : ça ne l’était pas, et Trump avait dû passer à autre chose.
Ce soir, le gouverneur de New York ne change pas d’attitude : « Je ne laisserai personne – et encore moins le président – aller à la télévision, regarder les gens droit dans les yeux et leur dire des choses fausses. » Certes, réfuter les bobards proférés publiquement par Donald Trump est un travail à plein-temps, mais ce mensonge est plus grave que les précédents : il peut provoquer des comportements dangereux et relancer l’épidémie. « Appelez MSNBC, demande Cuomo à un attaché de presse. CNN aussi. » Et quelques minutes à peine après la fin de l’intervention de Trump, le voilà à l’antenne en train de démonter point à point la tentative de putsch du président des États-Unis. Le lendemain matin, le gouverneur enchaînera quatre matinales télé et intensifiera l’attaque. « Il s’est proclamé roi : le roi Trump, lance-t-il. Je ne devrais même pas le regarder quand il passe : ce qu’il dit n’a aucune valeur. S’il n’était pas aussi sérieux, on pourrait croire que c’est un sketch. » Rapidement, Trump, ne sachant que répondre, bat en retraite en précisant tout de même qu’il « autorise » les États à prendre des décisions... qu’ils ont déjà le pouvoir
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