ENZO MARI POUR TOUJOURS
le 19 octobre, quarante-huit heures après l’inauguration de l’exposition rétrospective qui se tient à la Triennale de Milan, le designer rebelle de 88 ans disparaît. Sa vision d’un design collaboratif, avant-gardiste etillumine la conscience critique de la discipline et défend sans ciller la liberté de penser. Artiste, designer, théoricien, graphiste, les deux cent cinquante projets exposés mettent en lumière la récente donation de sa collection complète à la ville de Milan. En témoin et passeur, un dialogue ininterrompu s’est noué pendant plusieurs années avec le critique et historien d’art Hans-Ulrich Obrist, commissaire de l’exposition. Il retrace l’implacable rigueur d’un homme tour à tour austère, doux et rugueux, ludique et impétueux, pour qui la poétique du design se nourrit d’une simplicité primitive. Lorsqu’en 1974, Enzo Mari fait scandale à Milan avec son exposition manifestement anticonsumériste «», il repousse les limites du design à la source du geste et du matériau, en livrant gratuitement les plans d’une collection de mobilier à fabriquer soi-même avec un minimum d’outils. Il s’attache ainsi à réactiver un langage universel pour satisfaire les besoins sensoriels d’une société qui néglige ses repères. Du mobilier à l’objet du quotidien, il parviendra toujours au fil de sa carrière à insérer , tout en cultivant cette action humble de créer uniquement ce qui est utile et de croire que l’objet parfait serait celui qu’il faudrait par défi encore inventer. Cinq fois récompensé par le Compasso d’Oro, affranchi des modes et de l’usure du temps, son long et constant travail de recherche a bien plus souvent rencontré l’être humain que les lois du marché. Le catalogue de l’exposition édité par Electa reconstruit la pensée du designer et documente soixante ans d’une activité créative, dont l’esthétique généreuse doit pouvoir s’adresser à tous et à chacun.
