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Les REVES ENVOLES: Traverser le deuil d'un tout petit bébé
Les REVES ENVOLES: Traverser le deuil d'un tout petit bébé
Les REVES ENVOLES: Traverser le deuil d'un tout petit bébé
Livre électronique617 pages6 heures

Les REVES ENVOLES: Traverser le deuil d'un tout petit bébé

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À propos de ce livre électronique

Perdre un bébé est une tragédie pour les parents. Ils voient tous leurs rêves s’envoler…
Le chagrin qu’ils éprouvent ne se mesure pas au nombre de semaines de grossesse, mais il est proportionnel à l’amour qu’ils ressentaient pour ce petit être. Beaucoup se demandent alors comment ils réussiront à traverser cette épreuve.
Ce livre a été écrit pour les aider durant cette période difficile. Il est enrichi de centaines de témoignages de parents ayant vécu une expérience semblable, afin de montrer que les diverses émotions ressenties tout au long du deuil sont normales et partagées.
Abordant tous les aspects reliés à la perte d’un bébé, de la fausse couche précoce à la mort du nouveau-né, l’ouvrage s’adresse aux gens endeuillés, aux proches ainsi qu’aux professionnels de la santé. Tous y trouveront des éléments pour comprendre ce que traversent le couple, les autres enfants et les grands-parents, dans le but de leur offrir un meilleur soutien.
Cette lecture se veut porteuse d’espoir : un cœur blessé peut guérir et il est possible de retrouver la joie de vivre.
LangueFrançais
ÉditeurÉditions de Mortagne
Date de sortie2 oct. 2024
ISBN9782897926502
Les REVES ENVOLES: Traverser le deuil d'un tout petit bébé
Auteur

Suzy Fréchette-Piperni

Pendant une cinquantaine d’années, Suzy Fréchette-Piperni a été infirmière en natalité et s’est spécialisée dans le soutien aux parents qui vivent une perte périnatale. Pionnière au Québec dans ce domaine, elle a mis sur pied, dès 1988, divers programmes d’aide à l’Hôpital Pierre-Boucher de Longueuil. Lauréate de plusieurs prix pour son travail innovateur, elle a inspiré le système de la santé partout dans la province et en France. Elle a formé des centaines d’intervenants sur le soutien en milieu hospitalier et en maternité ainsi que sur le suivi du deuil dans la communauté.

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    Aperçu du livre

    Les REVES ENVOLES - Suzy Fréchette-Piperni

    Chapitre 1

    Historique

    Avant les années 1950, les femmes accouchaient en grande majorité à la maison. Presque toutes les familles nombreuses avaient vécu, dans leur histoire, un ou plusieurs décès de bébé. La perte d’un bébé était considérée comme une épreuve envoyée par Dieu ou la fatalité. Les gens étaient plus près de la nature, et la mort était acceptée plus facilement comme faisant partie de la vie. Dans certaines familles, la mort d’un bébé était considérée comme importante et les parents étaient soutenus, surtout si le bébé avait vécu et avait été baptisé. Dans ce cas, le bébé reposait près des siens au cimetière.

    Par contre, dans l’ensemble de la population, la perte d’un bébé était banalisée ; il y en aurait tant d’autres pour le remplacer ! De plus, dans certains milieux, la grossesse elle-même était souvent un tabou, les femmes cherchant à la dissimuler le plus possible. Il était alors facile de considérer la perte périnatale comme un « non-événement ». Les fausses couches passaient inaperçues. Les bébés mort-nés qui n’avaient pas été ondoyés étaient souvent relégués à l’extérieur du cimetière. Cela n’empêchait pourtant pas les parents d’être souvent très affectés par la perte de ces bébés.

    Avec l’amélioration de la qualité de vie, un meilleur suivi de grossesse, les progrès de l’obstétrique et de la néonatalogie et avec la généralisation des accouchements à l’hôpital, le nombre de décès périnataux a beaucoup diminué.

    Par contre, un profond malaise existait dans les hôpitaux (et existe souvent encore) face à la mort en général, et à celle d’un bébé en particulier, qui était perçue comme un échec de la médecine. Il était peut-être plus facile alors pour les intervenants de penser que perdre un bébé n’était pas tellement important.

    Il était courant que les médecins et les infirmières ne disent pas à la mère que son bébé était mort ou gravement malade. Seul le père était mis au courant de la possibilité que l’événement soit moins heureux que prévu. On pensait que la mère trouverait la situation trop difficile et on voulait la protéger. On avait aussi peur que la mère ait une réaction violente avec des cris et des pleurs, ce qui aurait rendu tout le monde mal à l’aise. L’approche était donc très paternaliste.

    Né à 28 semaines, mon bébé a été transféré dans un hôpital spécialisé. Je l’ai juste entrevu avant le transfert. La journée de mon congé, j’ai téléphoné pour demander la permission de me rendre auprès de mon bébé dans l’avant-midi, même si les visites étaient seulement l’après-midi, car j’avais tellement hâte de le voir. On m’a dit qu’il était mort et que cela faisait deux heures qu’il était rendu à la morgue. Personne ne nous avait avisés que l’état du bébé s’était détérioré ni qu’il était mort. Je n’ai jamais pu le revoir ni le prendre dans mes bras.

    Souvent, le médecin laissait au père la corvée d’apprendre lui-même la nouvelle à la mère. Le pauvre père, seul à connaître la vérité, retardait le moment de le dire à sa compagne affaiblie, souvent pendant des jours.

    Mon médecin ne voulait pas que je me lève sous prétexte que j’avais perdu beaucoup de sang à l’accouchement. Je ne pouvais pas aller à la pouponnière voir mon bébé. Mon mari me disait qu’il allait bien. Je trouvais qu’il avait un drôle d’air, mais je pensais qu’il était déçu parce que nous avions eu une cinquième fille. Trois jours après l’accouchement, il m’a avoué que le bébé n’avait vécu qu’une heure.

    Ce n’est que le matin de mon départ que le médecin m’a dit que le bébé ne pourrait pas quitter l’hôpital avec moi. Il m’a appris qu’il avait des problèmes neurologiques graves et qu’il allait mourir. Il est mort deux jours plus tard. Personne ne m’avait avisée, ni le médecin ni mon mari qui, pourtant, le savaient depuis sa naissance.

    Dans la salle d’accouchement, l’approche la plus couramment utilisée était d’accoucher la mère sous anesthésie générale ou sous sédatifs puissants pour qu’elle n’ait pas trop conscience de ce qui se passait. Dès la naissance d’un bébé mort-né ou d’un bébé trop handicapé pour survivre, on enveloppait le corps du bébé dans une serviette et on le sortait de la salle d’accouchement pour que la mère n’ait pas le temps de le voir. On déconseillait à la mère de voir son bébé en lui disant qu’il était préférable qu’elle garde l’image du beau bébé qu’elle avait imaginé. Tout au plus, on acceptait de le montrer au père, s’il insistait.

    J’ai demandé à voir le jumeau qui était mort-né. Dans ce temps-là, il y a quarante ans, on n’encourageait pas les parents à voir leur bébé mort. Mais pour moi, c’était important et j’ai beaucoup insisté. L’infirmière m’a descendue en fauteuil roulant à la morgue et, devant la porte, elle m’a dit : « À mon avis, vous allez le regretter toute votre vie. » J’ai eu peur, j’ai changé d’idée et je ne l’ai pas vu. Et c’est de ne pas l’avoir vu que j’ai eu des regrets toute ma vie.

    Mon bébé avait une hydrocéphalie et était mourant. Je leur ai dit : « Ou bien vous venez me le montrer ou bien je vais le voir à la pouponnière et personne ne pourra m’empêcher d’entrer. » On me l’a amené. Plusieurs personnes m’avaient décrit sa tête. Quand je l’ai vu, je leur ai dit : « Mais c’est un bébé, un vrai bébé avec plein de cheveux et de petites mains si mignonnes et dix petits orteils. » Je pensais qu’il n’était qu’une grosse tête. Personne ne m’avait dit qu’il ressemblait à un bébé.

    Durant les premières années des accouchements à l’hôpital, il n’était pas rare que la mère partage sa chambre avec d’autres mères qui, elles, avaient un bébé vivant. Les chambres privées coûtaient très cher.

    Les autres mères allaient voir leur bébé à la pouponnière et moi, je restais seule. J’en profitais pour pleurer. Elles avaient des visiteurs et se montraient les cadeaux de bébé qu’elles avaient reçus. Moi, je n’avais que la visite de mon mari et aucun cadeau. J’étais là, le cœur brisé, témoin de leur bonheur à elles.

    Par la suite, on a accepté de mettre la mère dans une chambre privée, gratuitement, si le médecin le prescrivait. Couramment, on donnait à la mère des tranquillisants pour engourdir sa peine. Les intervenants évitaient la chambre, prétendument « pour être discrets, pour laisser aux parents leur intimité ». Mais la véritable raison était plutôt qu’ils ne savaient pas quoi dire ou quoi faire. Ils se protégeaient de leurs propres sentiments de culpabilité, d’impuissance et d’inutilité en fuyant les parents.

    Le personnel fuyait ma chambre. Je devais sonner pour qu’on change mon lit et qu’on m’apporte mes médicaments, car on m’oubliait régulièrement.

    J’ai appris par l’infirmière que le médecin avait signé mon congé. Il n’était jamais venu me voir après mon accouchement. Pourtant, je le connaissais depuis quinze ans.

    L’hôpital offrait de disposer du corps pour décharger les parents de cette corvée. Les parents acceptaient, pensant s’épargner des soucis, des dépenses et du chagrin. Ainsi, le corps disparaissait comme en cachette et il n’y avait pas de funérailles.

    La mère avait son congé le plus tôt possible. Quand les intervenants parlaient aux parents, c’était pour leur conseiller de ne pas pleurer, de ne pas en parler, d’en faire un autre le plus vite possible. Le départ de la mère les soulageait tous.

    En ne reconnaissant pas l’importance de la perte, en ne prodiguant pas de soutien émotionnel aux parents et en faisant des interventions inadéquates, le personnel de l’hôpital, sans le savoir, nuisait au processus de deuil.

    De plus, les proches modelaient leur soutien (ou plutôt leur absence de soutien) sur les attitudes des professionnels de la santé, qui « devaient savoir ce qui était le mieux », d’où le silence autour de l’événement et la négation de l’importance de la perte.

    Personne ne me parlait de ce qui s’était passé, ni mon mari, ni ma famille, ni les rares amis qui sont venus. Personne ne m’a dit de paroles d’encouragement, sauf notre médecin de famille, qui m’a mis la main sur l’épaule et m’a dit : « Ma pauvre petite fille ! » Pendant des mois, je me suis accrochée à ces seuls quatre mots de compassion que j’avais entendus et qui reconnaissaient ma peine.

    J’ai perdu un bébé il y a 35 ans et mon mari me défendait d’en parler. Il me disait que d’y penser et d’en parler ne me ferait que du mal. Maintenant, mon mari est mort et plus personne ne m’empêchera de parler de mon fils qui s’appelait S… Pendant tout ce temps, il a eu un nom, mais personne ne le savait.

    Quand, vers la fin des années 1970, certains professionnels ont commencé à se pencher sur cette problématique, ils ont été surpris de la gravité des complications apparues à la suite de décès périnataux :

    Des troubles psychologiques chez beaucoup de mères et de pères ;

    Des difficultés relationnelles importantes chez de nombreux couples ;

    Des perturbations majeures chez les autres enfants.

    On a compris à ce moment-là qu’une perte périnatale mal vécue dans la famille pouvait gravement affecter un enfant jusque dans sa vie adulte.

    Ces complications semblaient liées aux difficultés de vivre un deuil périnatal, aux interventions inadéquates en milieu hospitalier et à l’absence de soutien de l’entourage.

    L’amélioration des connaissances du deuil périnatal a aidé les intervenants à mieux comprendre les conséquences de la mort d’un bébé dans une famille et leur a donné des moyens pour aider les parents. C’est pour cela qu’ils ont modifié leur façon de faire lors de la mort d’un bébé.

    Dès le début des années 1980, certains hôpitaux ont commencé à organiser des programmes structurés d’intervention pour aider les parents, et ce, tant en Grande-Bretagne qu’aux États-Unis, avec le programme de RTS à La Crosse au Wisconsin, ou encore en Belgique avec le Dr Pierre Rousseau. Au Québec, un programme de soutien pour les parents vivant un deuil périnatal a débuté en mars 1988, à l’Hôpital Pierre-Boucher de Longueuil. Depuis, les hôpitaux reconnaissent l’importance de soutenir adéquatement les parents, se dotent d’un programme d’intervention et forment leur personnel.

    Chapitre 2

    Les impacts d’un deuil périnatal sur la famille

    Ce n’est pas juste un petit bébé qui a été perdu.

    C’est une vie au complet qui ne sera pas vécue.

    Quand peut-on parler de deuil périnatal ?

    Le sentiment de perte d’un bébé, qui demandera de vivre le deuil, peut survenir à la suite d’une fausse couche, d’une grossesse ectopique, d’une interruption médicale de grossesse après la découverte d’une anomalie fœtale ou de problèmes chez la mère, de la naissance d’un bébé mort-né, de la mort d’un nouveau-né dans les semaines qui suivent sa naissance, de la mort d’un jumeau et de la mort subite du nourrisson.

    D’autres situations peuvent entraîner un deuil autour de la maternité et de la paternité, par exemple l’infertilité avec ses déceptions cumulatives qui s’étendent parfois sur des années, l’interruption volontaire de grossesse, dont parfois le mot « volontaire » ne reflète pas tout à fait la réalité pour la femme, l’hystérectomie avec le deuil des enfants à venir et le don d’un bébé pour l’adoption.

    Pourquoi est-ce si difficile de perdre un bébé ?

    Contrairement aux idées véhiculées dans la société, le deuil d’un bébé est en général plus douloureux et plus difficile à faire que celui d’un adulte aimé ou d’un enfant plus âgé.

    Voici des facteurs qui font que le deuil périnatal peut être difficile à vivre pour vous :

    L’absence ou le peu de souvenirs que vous avez de votre bébé. Quand vous perdez une personne avec qui vous avez vécu de longues années, vous ressentez du plaisir à vous remémorer de bons moments passés ensemble. Des images vous viennent quand vous pensez à elle. Dans le cas d’un bébé, malgré tout l’amour que vous ressentez pour lui, les beaux souvenirs sont rares et parfois même inexistants quand le bébé est perdu en début de grossesse ou que vous ne l’avez pas vu. Le fait de ne pas avoir une représentation mentale du bébé que vous pleurez peut compliquer le deuil.

    La difficulté de comprendre ce qui sous-tend votre désir d’enfant et les composantes de votre peine, pour pouvoir la traverser.

    Le deuil de l’avenir, de tout ce que vous vouliez réaliser avec cet enfant, des rêves que vous faisiez en l’imaginant à différentes époques de sa vie. Parfois, ce deuil ne se termine jamais tout à fait.

    J’ai perdu mon garçon et je n’ai eu que des filles par la suite. Un garçon me manquera toujours.

    Je viens d’une famille de huit enfants et je voyais ma vie entourée d’enfants. J’en ai perdu quatre et en ai réchappé un seul. Même si je suis reconnaissante d’en avoir au moins un, je trouve la maison souvent bien tranquille et les événements spéciaux ne sont pas aussi joyeux que ce que j’avais imaginé.

    Je suis allée au mariage de ma nièce. Quand j’ai vu mon frère, tout fier, remonter l’allée de l’église au bras de sa fille en robe de mariée, j’ai senti un pincement au cœur. Je ne vivrai jamais ce moment unique, puisque ma seule fille est morte à la naissance.

    N’ayant pas eu la possibilité de connaître votre enfant, vous pouvez l’idéaliser ; « vous avez perdu l’enfant parfait », ce qui augmente votre attachement et votre peine.

    L’imprévisibilité de la mort périnatale, alors que vous attendiez un heureux événement, ne permet pas de vous préparer à la perte, ce qui peut rendre les réactions de deuil plus intenses.

    En plus de la perte, vous êtes tous les deux épuisés : la mère affaiblie par la naissance ou par les complications qui ont entraîné la mort du bébé, le père épuisé à cause du stress et du soutien qu’il doit donner à la mère. Vous pouvez aussi avoir eu peur de mourir ou de perdre votre conjointe.

    Durant la grossesse, le bébé fait partie intégrante de la mère. Faire le deuil d’une partie de soi est différent et plus difficile que de faire le deuil d’une personne qu’on aime qui est extérieure à soi. Vous pouvez être très marquée par cet arrachement de quelque chose qui faisait partie de vous. Le sentiment de vide intérieur est rapporté par la majorité des mamans comme une des choses les plus difficiles à vivre.

    Donner naissance à un bébé en santé réaffirme la féminité de la mère et la virilité du père. La mort du bébé peut être vécue comme une blessure à votre amour-propre. Certains parents se sentent honteux, diminués à leurs propres yeux et aux yeux des autres.

    L’absence de reconnaissance de l’importance de la perte de votre bébé par l’entourage ajoute à votre peine et vous prive du soutien nécessaire pour traverser plus facilement l’épreuve.

    Certains mythes ont la vie dure ; par exemple : moins la grossesse est avancée, moins la perte est grande. Il est aussi courant de penser que la naissance d’un bébé mort-né est moins triste que la mort d’un nouveau-né, que la mort d’un bébé présentant des anomalies est moins triste que celle d’un bébé parfait. Il est également répandu de considérer que les femmes qui ont un diagnostic d’œuf clair, tout comme celles qui n’ont pas de conjoint, qui n’avaient pas planifié ou désiré être enceinte, n’ont pas de peine et n’auront pas besoin de soutien émotionnel.

    Pourquoi semble-t-il plus difficile aujourd’hui de perdre un bébé ?

    Les parents ont toujours eu de la peine de perdre un bébé et il est difficile de comparer la peine des parents ayant perdu leur bébé il y a longtemps à celle de parents venant de le perdre. Pourtant, de nos jours, la perte périnatale semble engendrer un deuil encore plus intense que par le passé. On peut expliquer ce phénomène par le fait que les parents sont peut-être plus à l’aise de laisser paraître leur peine ou que les intervenants sont plus sensibilisés à leur souffrance. Cependant, il demeure que certains facteurs ajoutent de l’intensité à la détresse des parents d’aujourd’hui :

    Notre société met beaucoup l’accent sur la vie et occulte la mort, comme elle met l’accent sur la jeunesse et occulte la vieillesse. La mort n’est pas vue comme faisant partie de la vie et entraîne souvent un grand sentiment de révolte.

    Les nombreux reportages sur les progrès, entre autres, de la reproduction assistée, de la néonatalogie et même de la chirurgie fœtale à l’intérieur de l’utérus contribuent à alimenter la croyance selon laquelle la science a le contrôle de la situation et que la médecine peut prévenir les pertes et sauver tous les bébés malades ou prématurés. Malheureusement, la réalité est tout autre et les statistiques démontrent, depuis plusieurs années, l’incapacité du monde médical à faire descendre de façon notable le pourcentage de pertes périnatales.

    Comme la perte d’un bébé est encore un sujet tabou dans plusieurs milieux, beaucoup de personnes qui n’ont pas été touchées récemment par le décès d’un bébé proche ont développé la croyance que la mort d’un bébé est aussi rare, au XXIe siècle, que la mort d’une mère en couches.

    Les femmes ont plus de contrôle sur leur fertilité et sur leur vie en général et cela leur donne un faux sentiment de pouvoir. Pour elles, désir de grossesse = grossesse, et grossesse = bébé vivant.

    Les familles sont plus petites et chaque grossesse est vécue avec plus d’intensité.

    Les grossesses sont davantage planifiées et beaucoup de femmes deviennent enceintes à un âge plus avancé, ce qui augmente le désir d’enfant au moment de la conception.

    Quand on perd un bébé entre 35 et 45 ans, l’impact est augmenté à cause du peu d’années qui restent pour se reprendre. L’horloge biologique devient une hantise.

    Les parents s’attachent aussi de plus en plus rapidement à leur bébé à cause des progrès de l’obstétrique. Le perfectionnement des appareils permet de voir le cœur du bébé à l’échographie dès 6-7 semaines et de l’entendre au bureau du médecin vers 10-12 semaines. Le bébé est vu à l’échographie, son sexe est souvent confirmé, tout ça avant même que la maman le sente bouger. Cela donne au bébé une identité qu’il n’avait qu’à la naissance, il y a quarante ans.

    Chapitre 3

    La fausse couche précoce

    (du début de la grossesse à 15 semaines)

    Une si petite vie ! Quelques semaines de grossesse !

    Mais un vide si grand !

    Un petit corps tout chaud jamais tenu dans nos bras,

    Un petit cri jamais entendu,

    Un bébé qu’on n’a jamais connu !

    Mais tant de possibilités, tant de rêves, tant d’amour !

    Auteur inconnu

    La fausse couche est un arrêt spontané de la grossesse qui se produit entre le début de celle-ci et la 20e semaine. La fréquence réelle des fausses couches est difficile à estimer, mais elles représentent le problème médical le plus répandu durant la grossesse. On pense que 30 % des grossesses se termineraient par des fausses couches si précoces que la mère n’en est pas consciente : l’œuf fécondé ne s’implanterait pas ou s’implanterait mal à l’intérieur de l’utérus.

    Maintenant que les tests de grossesse permettent un diagnostic de plus en plus rapide, une fausse couche se produit dans 15 à 20 % des grossesses confirmées. Les statistiques nous apprennent aussi que plus la femme avance en âge, plus le pourcentage de fausses couches est élevé, la moyenne de 20 % se situant autour de 34 ans.

    Les fausses couches qui se produisent avant six semaines de grossesse ressemblent davantage à une grosse menstruation et nécessitent rarement un curetage. Celles qui se produisent après sont plus inconfortables, les pertes de sang sont plus abondantes et les crampes utérines risquent d’être beaucoup plus douloureuses. Un curetage sera peut-être nécessaire si vous saignez abondamment ou si des débris demeurent dans l’utérus.

    Le curetage est une intervention chirurgicale qui consiste à dilater le col utérin et à extraire les débris restants avec une sorte de petite cuillère qu’on appelle une curette. On peut aussi enlever ces débris par aspiration. De nos jours, il est rare que cette intervention soit faite sous anesthésie générale. On donne à la femme des médicaments intraveineux pour la relaxer ou on gèle le col de l’utérus. L’intervention se fait rapidement, en moins de 10 minutes, et, habituellement, la femme ressent peu de douleurs.

    Si on diagnostique l’arrêt de la grossesse ou la présence d’un œuf clair au bureau du médecin avant que vous n’ayez eu des symptômes, on vous donnera sans doute le choix d’avoir un curetage ou d’attendre que la fausse couche se fasse naturellement. Certains médicaments sont utilisés pour provoquer la fausse couche et permettre d’éviter le curetage.

    Avant 15 semaines de grossesse, quand les symptômes de fausse couche se manifestent, le développement de l’embryon est généralement arrêté depuis 2 semaines ou plus. Souvent, vous aviez déjà pu remarquer une diminution des symptômes de la grossesse, comme les nausées ou la sensibilité des seins. Le test de grossesse demeure parfois positif un certain temps malgré la mort de l’embryon, étant donné que ce test mesure les hormones provenant du placenta et non de l’embryon.

    À partir d’environ 15 semaines, la fausse couche peut ressembler à un vrai travail et à un vrai accouchement d’un bébé miniature.

    Les causes possibles

    La cause d’une fausse couche isolée est, dans 70 à 80 % des cas, une anomalie chromosomique qui survient dès le début de la multiplication des cellules. C’est un accident, un mauvais mélange entre les chromosomes de la mère et du père, qui rend impossible le développement d’un embryon sain et provoque le rejet de celui-ci par l’organisme.

    Habituellement, après deux ou trois fausses couches, votre médecin vous fera passer des tests pour rechercher une autre cause plus rare. Parmi les causes qui peuvent entraîner des fausses couches à répétition, il y a :

    Des anomalies anatomiques comme la présence d’une cloison dans l’utérus ;

    Des facteurs endocriniens comme un mauvais fonctionnement de la glande thyroïde ;

    Des facteurs hormonaux ;

    Des anomalies chromosomiques ou génétiques ;

    Des problèmes sanguins comme un défaut dans certains facteurs de coagulation du sang.

    De mauvaises habitudes de vie, la cigarette ou une augmentation de la température corporelle lors de l’utilisation de saunas, de spas chauds ou de sessions de bronzage sont d’autres facteurs pouvant entraîner une fausse couche. Il est aussi possible qu’une cause psychologique, parfois tout à fait inconsciente, soit l’élément déclencheur d’une fausse couche.

    Après ma troisième perte, j’ai consulté une psychologue. Un jour, elle m’a demandé de fermer les yeux et de penser à mon utérus. Ce que j’ai vu, c’est un cimetière avec les pierres tombales de tous mes proches qui sont morts. Je lui ai dit : « Comment un bébé pourrait-il survivre dans un endroit où il n’y a que la mort ? » Et j’ai commencé à travailler mes deuils.

    J’ai fait quatre fausses couches et chaque fois mon mari me disait : « Il n’y a rien là, ce n’était même pas encore un bébé. » Après ma cinquième fausse couche, il m’a dit : « Ce doit être difficile pour toi de perdre tous ces bébés. » Trois mois plus tard, j’étais enceinte à nouveau et j’ai eu un beau garçon à terme.

    J’ai peur de ne pas être une bonne mère pour mon deuxième enfant, car ma mère n’a pas été une bonne mère pour moi qui étais la deuxième. Est-ce pour cela que je fais des fausses couches ? Est-ce un désir inconscient de ne pas faire vivre à un autre enfant ce que j’ai vécu ?

    Il est possible de corriger beaucoup de ces causes et de permettre ainsi à une prochaine grossesse de se poursuivre et de se terminer par la naissance d’un bébé vivant.

    D’autres causes sont plus spécifiques à une fausse couche survenant après 15 semaines de grossesse.

    Parce qu’en général la fausse couche ne met pas votre vie en danger et que le traitement est rapide et routinier, elle est souvent perçue comme un événement banal. L’entourage tout comme les intervenants offrent peu de compassion, car ils ne reconnaissent pas que, pour vous, il y a eu perte. Aussi, si vous vivez des émotions fortes, vous pouvez vous sentir « anormale », marginale ou coupable d’éprouver tant de peine pour quelque chose qu’on dit « si peu important ». Cela peut retarder et compliquer le déroulement de votre deuil. Il est possible aussi que vous viviez, lors d’une fausse couche, des émotions qui ne sont pas nécessairement rattachées à la perte du bébé mais qui, par exemple, touchent plus votre estime de vous-même. La question :

    « Qu’est-ce que j’ai perdu en faisant cette fausse couche ? » vous aidera probablement à y voir plus clair.

    Les différentes expériences

    Les femmes qui vivent une fausse couche ne réagissent pas toutes de la même façon. Selon une étude réalisée aux États-Unis (cette étude a été faite auprès de femmes, mais plusieurs réactions sont aussi vécues par les hommes, avec une importance différente), 25 % des femmes vivent la fausse couche comme une légère déception, un événement de la vie et ne se considèrent pas en deuil.

    Une amie, qui a vécu deux fausses couches, m’a dit : « Pour moi, cela n’a pas été si grave que cela. »

    Je me suis dit que cette grossesse n’était pas planifiée et que, dans un sens, c’était mieux comme cela : j’aurai le temps de finir mes études et la prochaine sera planifiée.

    J’ai été un peu déçue, mais je n’ai pas eu de peine.

    Certaines sont même soulagées, parce que cette grossesse n’arrivait pas à un bon moment dans leur vie. La fausse couche leur évite de devoir prendre la décision difficile d’un avortement.

    J’avais 16 ans quand j’ai fait ma fausse couche. Je n’avais pas encore osé parler de la grossesse à mes parents et j’ai vécu cela comme une délivrance.

    Je suis devenue enceinte dans une relation qui n’avait pas d’avenir. J’ai vécu ma fausse couche comme un cadeau de la vie.

    D’autres, dont la grossesse est difficile depuis le début ou qui ont pris des médicaments ou de l’alcool avant de savoir qu’elles étaient enceintes, peuvent se sentir soulagées que cette grossesse, « mal partie », se termine.

    C’était ma troisième grossesse et elle était très différente des autres. J’avais toujours des saignements et plein de petits malaises inquiétants. J’avais l’intuition que cela n’augurait rien de bon. Aussi, quand j’ai perdu l’embryon à 14 semaines, j’ai été soulagée.

    Nous avions eu un gros mariage et j’avais beaucoup bu. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai paniqué. Qu’est-ce que l’alcool avait pu causer comme dommage à mon bébé ? Je ne pensais qu’à cela. Quand j’ai fait ma fausse couche, je me suis sentie tellement soulagée.

    De plus, 25 % des femmes ont de la peine de ne plus être enceintes car elles perdent les avantages qui y sont associés : confirmation de leur féminité, sentiment d’accomplissement, plus d’attention du conjoint et de l’entourage, etc.

    Avec cette grossesse, j’avais le sentiment que mes beaux-parents m’acceptaient enfin. Mais j’ai fait une fausse couche et c’était comme si je leur prouvais que je n’étais pas bonne pour leur fils.

    J’étais la seule au bureau qui ne réussissait pas à être enceinte. J’étais tellement fière de leur annoncer la nouvelle et de me sentir comme les autres. Ça n’a duré que quelques semaines !

    J’avais l’impression que la grossesse nous rapprochait, mon conjoint et moi. Il revenait plus tôt le soir, il m’amenait au restaurant, il s’occupait plus de moi. Après la fausse couche, tout est redevenu comme avant.

    J’aurais été si fière de m’acheter des vêtements de maternité et de promener mon petit ventre rond.

    Mais 50 % des femmes pleurent le bébé qu’elles viennent de perdre et vivent des émotions plus ou moins intenses généralement associées au deuil : de l’anxiété, de la tristesse, de la culpabilité, de la colère, des idées dépressives, etc.

    Je vivais une grossesse insouciante. Je n’avais jamais pensé faire une fausse couche, puisque mes sœurs n’en avaient jamais fait. Ce fut un choc terrible !

    J’étais très excitée d’aller à la première échographie. J’avais hâte de voir mon bébé pour la première fois. Mais la grossesse était arrêtée et ce beau moment est devenu le pire de ma vie.

    Ma grossesse s’est terminée à 15 semaines dans les toilettes de l’urgence. C’est horrible de mettre au monde son enfant dans les toilettes ! Heureusement, l’infirmière l’a repêché !

    Mon bébé est sorti dans les toilettes. J’étais seule et paniquée ; j’ai chassé l’eau et il est parti. Je me console en me disant qu’il est parti dans la nature.

    À l’échographie, j’ai eu un premier choc : il y avait deux bébés. J’étais tout excitée, bien que le radiologiste me répétait que les deux cœurs ne battaient plus. Il a dû me le redire cinq fois, jusqu’à ce que je comprenne que j’attendais des jumeaux mais qu’ils étaient morts.

    Vous pouvez avoir été réconfortée par le soutien reçu des intervenants lors de votre fausse couche.

    Les infirmières ont été des anges. Elles ont pris du temps pour me parler et me réconforter. Même si j’avais un curetage pour un œuf clair, elles semblaient comprendre que moi, je pensais attendre un bébé et que j’étais normale d’avoir de la peine.

    Le gynécologue a été super gentil, même si je le voyais pour la première fois. Il a fait entrer mon mari et a pris le temps de nous expliquer ce qui allait se passer et de répondre à toutes nos questions. Nous nous sommes sentis en confiance.

    Avant le curetage, j’étais très stressée. L’infirmière m’a tenu la main et m’a parlé doucement durant tout le curetage ; ça m’a beaucoup rassurée.

    Mon médecin de famille m’a téléphoné le lendemain du curetage pour prendre de mes nouvelles. Ça m’a fait chaud au cœur !

    Au contraire, la maladresse ou l’insensibilité de certains intervenants peut vous avoir blessée ou avoir rendu votre expérience plus difficile.

    Quand la technicienne a vu que quelque chose n’allait pas, elle a dit à mon mari d’aller attendre dans la salle d’attente. C’est donc seule que j’ai appris la mauvaise nouvelle.

    Quand le médecin nous a appris que la grossesse était arrêtée, j’ai fondu en larmes. Il m’a alors dit, d’un ton irrité : « Bien voyons, mademoiselle, ce n’est pas une catastrophe ! »

    Après ma sixième fausse couche, le gynécologue, le seul dans notre région, m’a dit : « Continue, je ne connais personne qui ait fait 20 fausses couches, ça va finir par marcher ! » J’ai décidé de me faire suivre dans une grande ville, même si c’est à 200 kilomètres de chez moi.

    Je me suis présentée à l’urgence car je saignais. On m’a classée « 4 », ce qui veut dire peu urgent. Bien que mon conjoint soit allé dire à l’infirmière, à plusieurs reprises, que je saignais de plus en plus, on m’a laissée attendre sur ma chaise. J’ai fait ma fausse couche dans la salle d’attente devant tout le monde, en remplissant mes pantalons et mes bottes de sang.

    Les médecins et les infirmières utilisent les mots « avortement spontané » ; c’est le terme médical pour fausse couche. Ici, l’adjectif spontané sous-entend qu’il n’a pas été décidé ou désiré par les parents, par opposition à « avortement provoqué ou volontaire ». Il peut être pénible d’entendre qu’on appelle votre fausse couche un avortement, le mot « avortement » étant peut-être pour vous associé à quelque chose de voulu, de provoqué, voire de criminel. De même, l’emploi des termes « embryon » ou « fœtus », qui reflètent la réalité physique à cet âge de la grossesse, sont utilisés quand on parle de votre bébé. Certains parents ont l’impression que cela minimise leur perte.

    On m’a dit : « C’est un avortement spontané. » En attendant mon curetage, le mot avortement me revenait toujours. J’ai demandé à plusieurs reprises : « Êtes-vous certains que mon bébé est mort ? » J’avais peur qu’on m’enlève mon bébé vivant alors que je le voulais tellement.

    Quand on m’a dit : « Vous venez pour un avortement spontané ? », je leur ai répondu : « Non, non, non, je le voulais, ce bébé-là ! »

    Après ma fausse couche, j’ai décidé de changer d’hôpital et je suis allée chercher mon dossier aux archives. La préposée m’a demandé de signer un papier sur lequel il était écrit « avortement spontané ». J’étais révoltée ; comment peut-on parler d’avortement alors que mon bébé était tellement désiré ? Et comment peut-on dire « spontané » alors qu’il n’y a rien eu de spontané dans cela ? J’ai passé plus de 12 heures à souffrir, à l’urgence, avant de faire ma fausse couche.

    L’œuf clair

    L’œuf clair est une forme de fausse couche. C’est une grossesse réelle, la femme étant vraiment enceinte. Au début de la grossesse, lors de la division des cellules, certaines cellules vont constituer le placenta, d’autres les membranes et d’autres l’embryon. Pour une raison qu’on ignore, alors que les autres cellules continuent de se reproduire, les cellules qui devraient se multiplier pour constituer l’embryon arrêtent leur multiplication dans les premières semaines. À l’échographie, le sac embryonnaire apparaît vide, l’embryon étant minuscule pour l’âge gestationnel, d’où le terme « œuf clair ».

    À 8 semaines, j’ai passé une échographie précoce et en voyant la tache noire dans mon utérus, j’ai compris que j’avais un autre œuf clair. Pourtant, j’avais confiance en l’issue de la grossesse et j’attendais l’échographie pour annoncer la bonne nouvelle à tout le monde. La seule chose positive, c’est que je me sentais plus forte, moins angoissée pour avoir un curetage et je n’avais pas peur de mourir.

    Quelqu’un m’a dit : « C’est une grossesse fantôme que tu as eue. » Je suis confuse ; est-ce que j’ai rêvé que j’étais enceinte ?

    Personne ne comprenait ma peine. On me disait de ne pas pleurer, car il n’y avait même pas de bébé. Pourtant, pendant toutes ces semaines, j’attendais et j’aimais un bébé. Ça m’a pris des mois pour sortir de ma dépression.

    La fausse couche après l’infertilité

    La fausse couche est difficile à vivre pour beaucoup de parents. Mais si vous avez conçu après des années de traitements d’infertilité, la fausse couche vous semble sans doute particulièrement éprouvante. Pendant des mois ou des années, vous avez essayé de concevoir, et peut-être avez-vous dû subir des examens et des traitements douloureux et coûteux. Vous avez à peine eu le temps de jouir de

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