Bryan Perro présente... les légendes terrifiantes d'ici - Les feux follets

Par Johanne Dallaire

La soirée d’anniversaire de Maëlle prend une tournure inattendue lorsque ses amis et elle empruntent
un raccourci à travers un bois de Beauport, dans la région de Québec.
Des flammes inquiétantes s’éveillent dans l’obscurité, une maladie mystérieuse frappe.
Les secrets du passé ressurgissent, entraînant Maëlle dans une quête qui pourrait la conduire à sa perte.
Les Légendes terrifiantes d’ici est un collectif de livres d’horreur destinés à un public de 13 ans et plus.
On y retrouve des réécritures contemporaines de légendes québécoises, parfois connues,
parfois oubliées, mais qui ne laisseront personne indifférent.

• Langue: Français
• Éditeur: Éditions Scarab
• Date de sortie: 4 sept. 2024
• ISBN: 9782898620218

Johanne Dallaire

Avant de se lancer dans l’écriture, Johanne Dallaire a eu la chance de toucher à plusieurs domaines: construction, criminologie, droit… sans oublier le précieux métier de maman. Ce bagage diversifié lui a permis de pondre un récit futuriste puissant, très humain et riche en émotions. Le prix de l’immortalité est sa première oeuvre littéraire.

Aperçu du livre

Cover of Bryan Perro présente... Les légendes terrifiantes d'ici - Les feux follets by Johanne Dallaire

Bryan Perro présente

Les Légendes terrifiantes

Les feux follets

Certains croient que les feux-follets sont d’une très agréable compagnie tout en demeurant farceurs et cabotins. De façon rythmée et enjouée, on pense qu’ils racontent aux enfants des histoires traditionnelles en concordance avec le passage des saisons. Mais non, car en réalité, ils n’ont rien de charmant ! Les feux-follets sont en réalité des êtres maléfiques de la forêt québécoise.

Aussi appelées les « fi-folettes » par les conteurs, ces petites créatures nocturnes, essentiellement constituées de feu, se retrouvent majoritairement dans les cimetières ou les marais. Les apparitions, spontanées et inattendues, sont souvent suivies de phénomènes étranges tels des sons discordants ou formes spectrales, qui font à tout coup fuir les chevaux et donner la chair de poule aux plus courageux. Ces petits êtres malveillants peuvent attaquer sans prévenir et infliger de graves brûlures à leurs victimes.

Nombreuses sont les histoires qui font état de leurs méfaits et, bien que certains de leurs comportements soient incompréhensibles, plusieurs spécialistes les ont choisis comme sujets d’étude. Âmes en peine, incarnation du mal, démons inférieurs, manifestation surnaturelle ou fées belliqueuses, les feux-follets demeurent des êtres énigmatiques dont la présence ne peut que nuire aux mortels qui croisent leur chemin.

Bryan Perro

1

Mes doigts se crispent sur les accoudoirs de mon siège, tout mon corps se tend. Helena, l’héroïne du film projeté sur l’écran géant, est pourchassée par une horde de zombies qui menacent de l’entraîner vers une mort lente et pénible. La scène se déroule presque entièrement dans l’obscurité, des notes inquiétantes ajoutant au suspense. Bien sûr, je sais qu’Helena va s’en sortir. C’est de la fiction, après tout. Pourtant, l’intrigue est tissée avec tant d’habileté que je ne peux m’empêcher de craindre pour sa vie.

Lorsqu’une des créatures monstrueuses surgit de sa cachette pour attaquer la protagoniste, Alice, ma meilleure amie, pousse un cri d’effroi. Je me tourne vers elle en souriant, amusée par l’expression de pure terreur qui déforme ses traits. Elle me répond d’un rictus exagéré, puis me lance un grain de maïs soufflé, que je reçois en plein milieu du front. Nous nous esclaffons toutes les deux.

— Chut ! se fâche quelqu’un dans la rangée derrière nous.

Benjamin, assis de l’autre côté d’Alice, échange alors avec moi un regard complice. Il hausse les épaules et replace ses lunettes sur son nez avant de reporter son attention vers l’écran.

J’essaie moi aussi de me concentrer sur le film, mais mon esprit vagabonde. J’ai la chance d’avoir les amis les plus extraordinaires au monde. Ma relation avec Alice remonte à nos huit ans, lorsque sa famille a emménagé dans la maison voisine à la mienne. Malgré nos différences de caractère, nous sommes devenues inséparables presque instantanément. Benjamin, quant à lui, a transformé notre duo en trio au début de notre première année de secondaire. Tous deux ont été un soutien inestimable dans ma vie, surtout après la séparation de mes parents, l’été dernier. Aujourd’hui, pour ma fête de quinze ans, Alice a accepté de regarder un film d’horreur avec Benjamin et moi, même si elle déteste ça.

C’est devenu une tradition de célébrer mon anniversaire au cinéma. C’est aussi une façon de garder Thomas, mon frère, près de moi. Avant sa disparition, Thomas était un grand amoureux d’histoires, surtout celles qui font peur. Pour célébrer mon anniversaire de neuf ans, il m’a amenée voir un film, et je lui avais fait jurer qu’on recommencerait l’année suivante. Il a fugué à peine une semaine plus tard ; sa promesse s’est envolée en même temps que lui.

Malgré les recherches, les policiers n’ont jamais réussi à retrouver mon frère. Et ma mère a dépensé une fortune auprès d’un détective privé, toujours sans succès. L’hypothèse de la fugue est celle que ma famille a retenue, puisque les autres – suicide ou enlèvement – sont trop douloureuses. J’avais seulement neuf ans. J’étais traumatisée. Les adultes pensaient me protéger en me maintenant dans l’ignorance, mais je n’ai jamais vu ma mère pleurer autant.

Je réalise alors que je suis en train de caresser la cicatrice au coin de mon œil, geste qui trahit ma nervosité. Je croise plutôt les mains sur mes cuisses et me recentre sur l’écran géant : l’arrivée impromptue d’un nouvel allié permet à Helena de se sortir de sa situation désespérée. Le retournement, peu crédible, me fait à nouveau décrocher de l’histoire. La fin m’apparaît ensuite insipide et sans grand intérêt.

Quand le générique commence, j’enfile mon foulard et mon manteau de printemps. Puis, je dévale les marches, sans oublier de jeter mon sac de maïs soufflé dans la poubelle prévue à cet effet. Je pousse la porte qui mène à l’extérieur et une brise, plutôt froide pour ce début du mois de mai, m’accueille dans le stationnement.

— J’ai vraiment aimé comment ils ont imaginé les zombies dans cette histoire-là, lance Benjamin en me rejoignant. C’était différent. Je suis comme tanné des monstres sans personnalité qui veulent juste nous exterminer.

Je hausse les épaules, peu convaincue :

— Je trouve que ça manquait d’explication scientifique. Ça m’étonnerait qu’un virus venu d’ailleurs puisse muter aussi vite que ça ! En plus, il y avait pas assez de sang, pour un film d’horreur. Et la fin…