Guerres & Histoires

LINEBACKER I & II: LES B-52 SORTENT NIXON DU VIETNAM

1 L’ARRIÈRE-PLAN

À Washington comme à Hanoï, le slogan de l’année 1972 est: « En finir avec la guerre du Vietnam! » Côté américain, le président Nixon, qui vise un deuxième mandat en novembre, veut tenir la promesse qu’il a faite au moment de son élection de 1968: après l’échec en mars 1971 de l’opération Lam Son 719 (voir encadré ci-dessous) supposée couper la piste Hô Chi Minh au Laos, il veut retirer les forces terrestres et la majeure partie des forces aériennes américaines d’Asie du Sud-Est, Sud-Vietnam en tête: les effectifs engagés pour défendre le régime de Saïgon doivent être ramenés d’un paroxysme de 549500 début 1969 à 27000 en décembre 1972.

C’est que Nixon a d’autres priorités internationales. D’abord, finaliser la négociation d’un traité de contrôle des armements nucléaires, dit SALT, avec l’URSS. Ensuite, réussir son coup de maître: une visite en Chine populaire, minutieusement préparée avec l’aide de son conseiller à la Sécurité nationale, Henry Kissinger. De ces deux avancées, Pékin en février et les négociations SALT en mai, la Maison-Blanche espère aussi le dénouement de la situation au Vietnam: ouvertes en mai 1968, les discussions de paix menées à Paris entre Washington et Hanoï n’ont pas avancé depuis lors, malgré la suspension, en novembre de cette année-là, des bombardements sur le Nord-Vietnam par le prédécesseur de Nixon, Lyndon Johnson. En allant à Pékin puis à Moscou, le président américain veut donc trouver chez ses adversaires de la guerre froide un appui tacite pour régler, en le gelant, le conflit entre les deux Vietnam.

Mais Hanoï a d’autres idées pour en finir. Après l’échec de l’offensive du Têt, début 1968, les communistes ont constitué une puissante masse de manœuvre conventionnelle et envisagent de profiter du retrait américain pour porter un coup fatal à la république de Saïgon et à l’armée de la république du Vietnam (ARVN), jugée quantité négligeable. Le calcul politique est le suivant: l’approche des présidentielles, l’opinion publique hostile à la guerre et l’affaiblissement de ses forces sur place empêcheront Nixon de riposter. Loin de miser sur une paix négociée, Hanoï prépare une invasion en bonne et due forme, encouragée par les revers infligés à l’opération Lam Son 719, qui ont convaincu le commandement nord-vietnamien de la supériorité tactique des forces communistes sur l’ARVN.

Dans l’attente de déclencher l’offensive baptisée Nguyên Huê (du nom du plus jeune des trois frères de Tay Son, les unificateurs du Vietnam face aux Chinois à la fin du XVIIIe siècle), les négociateurs à Paris font traîner en longueur les discussions, ce qui conduit Washington à les suspendre le 23 mars. Mais Nixon ne va pas pour autant réactiver l’option militaire: auréolé du coup diplomatique fraîchement réalisé en Chine, le président des États-Unis maintient son cap, d’autant que les renseignements américains et sud-vietnamiens sous-estiment la teneur et l’ampleur des préparatifs communistes, qu’ils imaginent limités à une relance de la guérilla vietcong.

FIASCO SUR LA PISTE HÔ CHI MINH

Du 8 février au 25 mars 1971, l’armée sud-vietnamienne mène au sud du Laos l’opération Lam Son 719, avec l’appui américain. Quatre divisions et deux brigades sud-vietnamiennes affrontent cinq divisions nord-vietnamiennes, dans

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Guerres & Histoires

Guerres & Histoires1 min de lectureWorld
Tous Les Saints Du Calendrier Nationaliste…
Révélateurs des orientations idéologiques du IIIe Reich mourant, les noms des unités de la 12e armée honorent respectivement la ville de Potsdam (voisine de Berlin), le rénovateur de l’armée prussienne Gerhard von Scharnhorst (1755-1813), le protonat
Guerres & Histoires2 min de lecture
La Luftwaffe, Du Drame À La Tragédie
Si la Luftwaffe subit une perte constante d’efficacité depuis 1943, celleci devient si dramatique en 1944 qu’il n’est plus possible de parler de coopération entre armes: la machine militaire allemande est revenue au pur combat terrestre du XIXe siècl
Guerres & Histoires12 min de lecture
Ardennes, 1944 Entre Les Crocs Du Jagdtiger
G&H : Comment votre chemin a-t-il croisé celui du Tigre ? Albin Irzyk : Nous débarquons en Normandie le 13 juillet 1944 après deux ans d’entraînement intensif aux États-Unis. Nous sommes affûtés, nous maîtrisons bien notre arme blindée, nous sommes d

Associés