On peine à le croire et pourtant. Dans l’Amérique des années Eisenhower, on estimait qu’il n’y avait pas plus efficace pour soigner la dépression, l’épilepsie, l’insomnie ou l’hystérie que d’enfoncer un pic à glace à travers l’orbite des patients – la lobotomie transorbitale, une pratique dont la banalisation doit beaucoup à un médecin de Philadelphie, Walter Freeman.
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir en 1935. Un demi-siècle après les premières tentatives du psychiatre suisse Gottlieb Burckhardt, le portugais Egas Moniz décide de parier à son tour sur la chirurgie pour calmer l’état d’extrême agitation dont souffrent certains de ses aliénés. En sectionnant la substance blanche qui relie les deux hémisphères cérébraux, le médecin constate une réduction radicale de la frustration, de la colère ou de l’agressivité chez ses patients – du moins chez ceux qui survivent.