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Des spectateur·rices quittent la salle, furax, vociférant : D’autres, un cran au-dessus dans la violence, tentent d’interrompre la représentation. Une altercation se solde, pour Maguy Marin la chorégraphe, par un doigt au Théâtre de la Ville en 2004, même si beaucoup, dans le public, ne bronchaient pas, K.O. face à la force radicale de la pièce. Gageons que vingt ans plus tard, son potentiel clivant demeure intact. C’est la bandeson, d’abord, qui vous mettra à l’épreuve : une guitare électrique grince, un vent force 12 rugit sur le plateau. « Umwelt », c’est « environnement » en allemand, et celui-ci n’a rien d’hospitalier. Sous les bourrasques, des miroirs alignés vibrent tandis que derrière eux, les interprètes apparaissent et disparaissent, portant tour à tour sur la tête des casques militaires ou des oreilles de lapin tout en grignotant des carottes, et puis, à bras-le-corps, des arbres ou des poupons. Un défilé cocasse et anxiogène à la fois, dont les motifs en boucle vous interloquent d’abord jusqu’à vous faire glisser dans une inconfortable hypnose : comme les miroirs du décor, vous pourriez même trembler. En 2004, Maguy Marin n’était pas la jeune première tout feu tout flamme qu’on pourrait imaginer. La Française titille l’« establishment » depuis sa pièce culte de 1981 inspirée de Beckett, en injectant du texte, des gestes quotidiens, de la non-danse en somme, dans l’art chorégraphique. Mais est l’œuvre charnière : moins que des corps, ce sont des ballets de visages, de mots, d’objets qu’elle composera ensuite. L’œuvre sommet, aussi, dont le souvenir ne s’efface pas. Comme si un métal froid, rugueux, mais aussi précieux et chatoyant, nous avait entaillé l’esprit durablement.