LE PORTRAIT
Vous le croiserez peut-être dans le TGV : un petit bonhomme au faux air de Jean Benguigui, aux yeux farceurs égayés de fines pattes d’oie, une boule d’énergie aussi joviale que facétieuse. Comme un gamin qui sort ses paquets de Haribo pour supporter le voyage, Jean-Pierre Tuil déploie ses journaux et magazines. Le JDD, bien sûr, mais aussi Le Point, L’Express, L’Obs, Courrier international, Le Figaro Magazine, Madame Figaro, Challenges, Marianne, Le Canard enchaîné… Sans oublier une kyrielle de « numéros un » : il ne rate aucune sortie. Tout y passe. Vanity Fair, Paris Match. Il dévore. « Un boulimique », assure sa fidèle collaboratrice, qui l’aide à porter son cartable de cuir marron, voire sa valise à roulettes selon la taille de sa moisson de nouveaux titres.
L’homme se lève à 7 heures pétantes et allume la radio. Il écoute Europe 1, RTL, France Inter, mais garde aussi en réserve une JDD, avoue-t-il. Le papivore fait sa sélection d’articles avec une technique éprouvée par cinquante années d’expérience. Le sujet ne l’intéresse pas, comme le transfert de Kylian Mbappé (il n’est pas très sport) ? Il se contente des gros titres et des exergues. Si le sujet le passionne (Dieu sait qu’il y en a !), il le met de côté. Il choisit aussi en fonction de la signature. Il connaît tous les journalistes de la place, tous les patrons de presse. Pas un ne lui échappe. Il guette les chaises musicales, ne rate rien du mercato médiatique. Fut un temps où il connaissait même les numéros des standards et les lignes directes par cœur. Mais la mémoire du portable lui a raflé la sienne. Il ne connaît même plus le numéro de sa femme.