C’était au début des années 1990. Au mariage d’une amie, trois universitaires âgées restaient assises alors que déjà les danseurs dominaient la soirée. Je me souviens m’être approché pour faire connaissance. L’un d’elles m’avait accueilli avec un bon sourire et sa voisine l’avait présentée : C’était donc elle, ce petit bout de femme, qui figurait parmi nos gloires : cheveux blancs, doux visage. À cette époque, elle n’est pas encore considérée comme une immense héroïne. On la célébrait discrètement, comme Jean-Pierre Vernant, cet On y retrouve la jeune Germaine, dans sa maison de Saint-Maur-des-Fossés, vivant avec sa sœur et sa mère, Émilie. Une famille dont le père est mort jeune. On travaille ensemble à rédiger des Guides bleus pour Hachette et à s’assurer de quoi vivre. Les enfants suivent des études classiques. Germaine commence par l’histoire de l’art, puis passe à une science en plein essor : l’ethnologie. Elle rencontre Marcel Mauss, qui sera son maître. Voyage de loisir en Allemagne, en 1933, au moment même où Hitler est nommé chancelier. Elle visite Königsberg sans percevoir le danger. Elle y revient en 1938 et découvre le tragique de l’Histoire. Entre-temps, elle effectue une mission dans les Aurès à la découverte des Berbères chaouis. La voici fusil en bandoulière, partant pour la chasse à dos d’âne, avec son chien.
