Dans un monde obéissant à la logique, Michael Lockshin serait occupé à déambuler sur les tapis rouges, cintré en smoking au bras de ses acteurs. Son quotidien serait fait de sourires plus ou moins figés à l’adresse des photographes, de toasts au champagne, de trajets en limos pour se rendre de plateaux télé en émissions de radio. Mais en 2024, le monde a-t-il encore le sens qu’on lui prête ? Michael Lockshin, 43 ans, est dans l’impossibilité d’assurer la promotion de son film événement, succès triomphal cet hiver dans le seul pays où il est projeté : la Russie. « Mon nom n’apparaît même pas sur l’affiche », nous apprend le réalisateur à la moustache poivre et sel, joint par Zoom depuis son domicile de Los Angeles. Cela aurait été trop dangereux.
Michael Lockshin est le réalisateur du une adaptation de l’un des plus célèbres romans russes signé Mikhaïl Boulgakov. 17 millions d’euros de budget estimé, une pléthore d’effets spéciaux et un pitch très virulent dans sa critique de l’autoritarisme, résumé par le cinéaste lui-même : « Comment rester libre en tant qu’écrivain malgré la censure ? » Un sujet déjà difficile à aborder en Russie avant « l’opération militaire spéciale en Ukraine », selon l’expression consacrée par le régime de Poutine ; un geste fou désormais : les artistes, auteurs et journalistes dissidents sont jetés en prison, interdits et même parfois assassinés, surtout s’ils ont du succès. Et son film en a beaucoup : sorti le 25 janvier, a attiré plus de 5 millions de Russes en salle, réalisant le meilleur démarrage au box-office du pays au début 2024. Les réactions des spectateurs sont dithyrambiques. Enfin, un film critique du régime leur est montré ! Ils y découvrent