PUTAIN DE MORT, MICHAEL HERR, Albin Michel, 2010 [1977], 272p., 20,90€
(également en poche au Livre de Poche et à l’Olivier)
Ainsi va la blague qui court chez les marines, alors que l’offensive du Têt vient d’éteindre brutalement la annoncée l’année précédente par le général Westmoreland. Si le ( en VO) est la chronique du cataclysme. Né en 1940, décédé en 2016, Michael Herr couvre la guerre de 1967 à 1969 pour le magazine , étendard du « nouveau journalisme» brillant et branché. Rédigé après coup et publié en 1977, ce bref opus (environ 200 pages) est à la fois une peinture impressionniste de ce que l’auteur a vu et un condensé du conflit tout entier — une sorte de résumé foutraque, mais indispensable aux longs récits classiques de Stanley Karnow ou John Prados. Vaguement centré sur la prise de la citadelle de Hué (31 janvier-2 mars 1968) et le siège de Khe Sanh (21 janvier-8 avril 1968), tient à la fois du roman, du reportage et du témoignage d’ancien combattant. Partageant le bruit, la fureur et l’horreur des combats, Herr admet avoir pressé la détente à l’occasion. Cette proximité avec le , le grognard américain, donne au livre le poids d’un obus de mortier. Mais l’auteur sait également sortir de la tranchée pour décrire en hauteur l’agonie de la « destinée manifeste» dans les rues merdeuses de Saïgon. Personne ne rend mieux compte que lui de la folie des hommes piégés dans un combat perdu malgré la colossale énergie investie, dont Herr écrit que, Rempli de détails graphiques, fourmillant d’anecdotes savoureuses et d’humour macabre, constituait un storyboard idéal dans lequel Coppola et Kubrick n’ont eu qu’à puiser pour et , deux films majeurs pour lesquels Herr a servi respectivement de conseiller et de scénariste. Mais le livre n’a pas seulement marqué le cinéma. Si Tim O’Brien, Gustav Hasford ou Philip Caputo sont des piliers incontournables de l’école littéraire du Vietnam, Herr et y méritent une place à part. , disait John le Carré, qui s’y connaissait un peu. À consommer en picorant ou sans modération en écoutant le d’Hendrix et le des Stones.