Bras de fer aux portes de Paris. Les forces de l’ordre font barrage aux agriculteurs pour empêcher le siège de la capitale
Des messages lancés comme des SOS
« J’ai pris mes premiers biberons sur un tracteur. C’est ma vie, ma passion » À 26 ans, Solenn compte reprendre l’exploitation paternelle. Elle se bat aujourd’hui pour son avenir. Et pour ceux qu’elle aime. « On connaît tous quelqu’un qui a été confronté au suicide d’un proche… Mon père en a marre. On se dit forcément “Et si c’était lui ?”. Comme beaucoup d’agriculteurs, elle a déjà fait un aller-retour entre les barrages et sa ferme où les semis l’attendent. Réserve de nourriture, campement et dortoirs improvisés entre deux bottes de foin, toilettes sèches : le 29 janvier, ils étaient près d’un millier à encercler la capitale pour un siège à « durée indéterminée ».
Mathieu, cultivateur de céréales, a cotisé pendant quarante-trois ans. Pourtant, il sait qu’à sa retraite il ne touchera que 750 euros mensuels pour vivre
Par Gaëlle Legenne
Il n’a rien avalé de la journée, préfère taire son nom et n’aime pas beaucoup qu’on lui demande son âge. Après plus de quarante années passées à cultiver des céréales en Eure-et-Loir, l’homme de 64 ans va bientôt prendre sa retraite. Au milieu de l’immense gare de péage de Saint-Arnoult, dans les Yvelines, conquise par 200 tracteurs, il réajuste son bonnet, se réchauffe autour d’un brasero improvisé, et raconte avoir rejoint la mobilisation pour soutenir la nouvelle génération. Peut-être aussi pour rendre hommage à l’un de ses amis qui n’est plus là. « Il s’est suicidé après un contrôle », murmure-t-il. Au milieu du convoi d’engins agricoles façon « Mad Max », Fabien, 46 ans, cultivateur de blé, d’orge et de betterave, fixe les drapeaux de la révolte sur son capot encore chaud. Il se demande si tout cela va servir à quelque chose, si ce cortège sur une aire d’autoroute a du sens. « C’est bien que le président du Sénat soit venu, mais ça sert à quoi ? Il faudrait aller à
