HISTOIRE, INTERPRÉTATION DISCOGRAPHIE COMPARÉE
Ré-ré-ré : trois coups mor-tels fff dans l’extrême grave du clavier résonnent comme l’enfoncement de clous dans un cercueil. Geste saisissant de Frédéric Chopin pour refermer, dans le funèbre ré mineur, son recueil épique et introspectif de Vingt-quatre préludes. Quintessence de l’oxymore, chaque inspiration allie une irrésistible éloquence (sans mots) à une perfection concise d’aphorisme.
« Chopin n’a de souci, semble-t-il, que de rétrécir les limites, de réduire à l’indispensable les moyens d’expression », s’émerveillera André Gide, relevant ses « extraordinaires raccourcis », et corroborant ainsi le lapidaire « tel débute Chopin, tel il finit » de Schumann. Un peu déconcerté toutefois par les fantasques miniatures d’études, nocturnes, impromptus, mazurkas ou marches que sont les de son jumeau, « le plus hardi et fier génie poétique du temps », Schumann y décelait « des esquisses […] ou des ruines […] le tout pêle-mêle dans sa bigarrure et sa sauvagerie ». Pour Liszt, ces « préludes poétiques […] admirables par leur diversité » ont « la libre et grande allure qui caractérise les œuvres de génie ».