Vanity Fair France

ITINÉRAIRE DE DEUX ENFANTS FÂCHÉS

AFFAIRE

C’est une histoire banale de soirée d’anniversaire : une jeune femme se demande où elle va bien pouvoir fêter ses 40 ans. À Paris, les lieux ne manquent pas au regard de son cahier des charges : un endroit chic, où l’on peut dîner ET faire la fête (le budget n’est pas un sujet). Il y a ce restaurant du 8e arrondissement où, la première bouchée avalée, on se surprend à danser sur une banquette de velours rouge. Ou alors, sur les quais de Seine, cette institution au nom chargé d’histoire où l’on peut privatiser un salon et jouer les sulfureuses. Elle hésite, pourtant, consulte ses proches et n’arrive pas à trancher. L’embarras ne porte pas tant sur la qualité de ce qui est dans l’assiette ou le niveau de la musique, que sur le propriétaire des lieux. Elle est amie avec les deux entrepreneurs qui possèdent les plus beaux endroits de Paris dans ce domaine. Elle les adore, mais eux « se détestent ». Elle voudrait éviter d’en choisir un et froisser l’autre. « Pour combler tout le monde, me dit-elle, il faudrait être née deux fois. » Alors, pour cette quarantième bougie, elle a laissé tomber et s’est contentée de faire venir traiteur et DJ chez elle.

Ainsi donc se serait érigé un mur de Berlin au cœur de Paris. Une frontière invisible entre deux stars de l’, cette expression américaine pour dire qu’on peut bien manger en s’amusant. À ma gauche, Laurent de Gourcuff, une intensité certaine planquée ce jour-là derrière un pull avec cœur rouge sur la poitrine, un tutoiement avenant, une voix d’ancien fumeur qu’on n’a pas très envie d’entendre s’élever, 47 ans, créateur d’un petit empire de la nuit appelé d’abord Noctis puis Paris Society : une cinquantaine de lieux, 3 000 collaborateurs et 250 millions de chiffre d’affaires. À ma droite, Benjamin Patou, un affectif en costume gris, amoureux de sa femme et des films de Claude Lelouch, proche des de l’époque, chanteurs, hommes politiques, acteurs et écrivains. Très bon vivant aussi, 46 ans, dont douze passés à la tête de Moma Group, 37 adresses à son actif, 1 000 collaborateurs, 130 millions de chiffre d’affaires. Ils se partagent Paris au point d’aller très loin (trop loin ?) dans la concurrence : leur rivalité a conduit le premier devant les tribunaux. En novembre 2023, Laurent de Gourcuff comparaissait chambre du tribunal judiciaire de Paris afin de répondre à des accusations de trafic d’influence et de recel de favoritisme dans l’attribution d’un marché public. À l’origine de l’enquête et de sa mise en examen : Benjamin Patou, candidat malheureux au même appel d’offres. Ce serait une histoire banale, oui, si elle ne disait pas ce que le business peut faire aux hommes.

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