LE CLASSIQUE DE MILOS TSERNIANSKI
Il est des romans qui, à tort ou à raison, incarnent toute la littérature de leur pays… est de ceux-là. Considéré comme le chef-d’œuvre de la littérature serbe du XXe siècle, le livre en a toutes les caractéristiques: le poids (1184 pages pour un roman dont l’écriture, démarrée en 1923, s’est terminée en 1962), le thème historique et fondateur, le lyrisme de l’épopée. Milos Tsernianski y raconte l’histoire d’une famille prise dans les tourments du XVIIIe siècle, quand la diaspora serbe, chassée par les Turcs, envahit les confins militaires autrichiens pour, de là, partir s’installer en Russie. Ce faisant, il montre à quel point le déplacement est inscrit dans les gènes de la nation serbe et comment la quête de la terre promise l’a portée à travers les siècles. La poésie des descriptions de paysages ou de villes débouche sur la métaphysique du rapport à la terre, au lointain, à la promesse d’une vie autre. La ronde des personnages – dont certains (la générale Chevich ou Vouk Ivvasovitch) sont inoubliables – emporte dans un tourbillon qui ne suit les règles du roman historique que pour mieux les transcender.