Née en 1989, Floriane Soulas appartient à une génération d’écrivains décomplexés qui ne s’embarrassent pas des étiquettes. En quatre romans, cet ingénieur sorti de l’École des mines, docteur en génie mécanique et spécialiste ès logiciels, s’est attaqué à quelques-uns des principaux genres de la littérature (Scrineo 2018) tout d’abord, thriller uchronique dans un XIXesiècle parisien ; puis(Scrineo 2019), roman fantastique qui prend pour cadre un Japon peuplé d’esprits familiers et croise les destins de femmes des XVeet XXIesiècles ; ensuite, (réédité en 2023 par Pocket dans son excellente collection Imaginaire), qui déroule son intrigue et son atmosphère prégnante dans la gigantesque ceinture de débris entourant Jupiter devenue monde à part entière ; , enfin, paru tout récemment chez Argyll, nouvel éditeur disruptif basé à Rennes. Comme l’indique fort bien le titre, il s’agit d’une aventure post-apocalyptique. Dans un futur rongé par les virus et les pluies acides, où l’humanité est réduite à des communautés désespérées, Lottie et Férale sont pisteuses et vendent aux nomades leur protection contre les monstres qui hantent le monde d’après, aride et désolé. Férale (qualificatif utilisé à propos des animaux domestiques retournés à la vie sauvage), Féraleaux-yeux-jaunes et à la puissance impressionnante, n’est qu’à moitié humaine. Lorsqu’elle entend parler de la cité de Tonnerre où des scientifiques cherchent le remède qui pourrait sauver les humains des mutations, elle n’a plus qu’une idée en tête : rejoindre les miséreux qui grossissent jour après jour les faubourgs de la citadelle dans l’espoir d’une guérison – et de réponses à leurs questions. Mais Lottie, elle, s’est au contraire échappée de Tonnerre. Traumatisée, elle garde jalousement les raisons de sa fuite des secrets que Férale aurait bien besoin de connaître… Le cheminement des deux amies dans l’univers ravagé de Tonnerre après les ruines, d’espoirs en désillusions, d’obscurité tenace en rares éclaircies, offre au lecteur de belles ambiances et une vraie réflexion – au-delà de l’évidente subjectivité de la figure du monstre – sur l’inévitable nécessité d’adapter les valeurs humaines à un monde devenu inhumain.
