Cité montagneuse dotée d’un climat rugueux et à l’écart des grandes routes commerciales, Jérusalem n’a jamais eu une grande importance stratégique. Sa principale ressource naturelle ? Ses mythes. « A Jérusalem, ne me demandez pas l’histoire des faits. Otez la fiction, et il ne reste rien », explique ainsi l’historien palestinien Nazmi al-Jubeh. Dans cette ville triplement sainte, fiction et réalité, théologie et Histoire se confondent jusqu’au vertige. Alors qu’elles ont successivement contrôlé la ville, les trois grandes religions monothéistes ont investi, récupéré et détourné différents lieux. Décryptage de ces principaux mythes.
Judaïsme
Abraham sur le mont du Temple
Dans la Genèse, Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils Isaac sur une montagne du « pays de Moriah ». Cette mise à l’épreu ve est un épisode fondateur du judaïsme (et plus tard du christianisme et de l’islam). Selon la tradition juive, le mont Moriah biblique n’est autre que le mont du Temple réel de Jérusalem, sur lequel le roi Salomon aurait bâti le Premier siècle avant Jésus-Christ. Or, historiquement, on ne retrouve la première trace écrite de ce lien que dans le deuxième livre des Chroniques, datant du V siècle avant Jésus-Christ : « Salomon commença alors la construction de la maison de Yahvé. C’était à Jérusalem, sur le mont Moriah, là où son père, David, avait eu une vision. » Autrement dit, c’est à l’époque du Second Temple, cinq siècles après Salomon, qu’on a cherché à sacraliser encore plus ce lieu en l’associant au quasi-sacrifice d’Abraham. « Cette rétroaction du mythe sur le lieu réel est une constante dans l’histoire de Jérusalem », souligne l’historien Vincent Lemire, ancien directeur du Centre de recherche français à Jérusalem et coauteur de la BD à succès . Les Samaritains (une des plus anciennes branches du judaïsme), eux, associent le mont Moriah au mont Garizim, leur lieu saint, près de Naplouse.