C’est l’histoire d’un président « qui marchait sur l’eau et puis, l’eau s’est dérobée sous ses pieds ». La formule, signée de l’ex-conseiller élyséen Philippe Grangeon, dit tout de la révolte, inédite, qui a éclaté à l’automne 2018. Avant le Covid et la guerre en Ukraine, le mouvement des gilets jaunes a secoué Emmanuel Macron comme l’ensemble de son écosystème. Et transformé son rapport au pays, ses choix, ses priorités. Récit en trois actes.
Chapitre 1
L’exorcisme
« Gilets jaunes, quel numéro de téléphone ? », aurait fulminé Henry Kissinger s’il avait été président de la République française en novembre 2018. Comment composer avec un mouvement social sans représentants, sans organisation, sans ligne directrice ? Sans limites, aussi. C’est un spectre difforme et nébuleux auquel Emmanuel Macron doit faire face un peu plus d’un an après son élection. Le chef de l’Etat, à la trajectoire politique inédite, en prendra d’ailleurs rapidement conscience : celle-ci en était, sans doute un signe avant-coureur. « Quand le monstre a surgi, on s’est aperçu, en réalité, que la crise démocratique n’avait pas été réglée avec notre accession au pouvoir. Ce fut un rappel d’une raideur absolue », se remémore l’un de ses plus proches interlocuteurs.
Si le fantôme et le hanté sont consubstantiels, c’est au hanté de se transformer. L’exorcisme devient un travail